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Le G8 et l'Organisation des Nations Unies, Philippe Le Prestre

Bonjour. Je suis le professeur Philippe Le Prestre, directeur de l'Observatoire de l'écopolitique internationale de l'Université du Québec à Montréal, au Canada.

Aujourd'hui, dans le cadre de la troisième session du cours, nous allons examiner les rapports entre l'Organisation des Nations Unies et le G8.

A. Les connexions entre l'ONU et le G8

Au début, l'ONU se mêlait très peu des affaires du G5 parce que celui-ci s'intéressait principalement au commerce, qui relevait à l'époque du GATT qui ne faisait pas officiellement partie du systèmes des Nations Unies. De plus, le G5 se penchait davantage sur la gestion financière et économique internationale, secteur dans lequel l'ONU joue un rôle officiel mais secondaire. Par conséquent, au début du G5, du G6, et ultérieurement du G7 (une fois que l'Italie et le Canada s'y furent joints), le rôle de l'ONU demeurait plutôt restreint.

Cela dit, les choses ont rapidement changé. Le G7 a commencé à s'intéresser à d'autres secteurs, comme l'environnement et le développement, dans lesquels l'ONU jouait un rôle de premier plan. Le chevauchement entre ces deux forums, très différents l'un de l'autre, s'est ainsi accentué. Le G7 avait mauvaise réputation auprès de l'ONU. On le considérait comme une sorte de " club " sélectif de pays riches, alors que l'ONU se perçoit comme un club universel de toutes les nations, notamment un club où les pays en voie de développement, souvent de petits pays très pauvres, peuvent s'exprimer sur les grands enjeux d'aujourd'hui qui les concernent. Le G7, en quelque sorte, est donc l'antithèse de l'Assemblée générale des Nations unies.

Le Secrétaire général de l'ONU a œuvré à réduire l'écart entre ces deux entités. Alors que les organes de l'ONU, tels que l'Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Conseil économique et social, n'entretenaient aucun lien avec le G7, ce n'était pas le cas du Secrétaire général. Javier Pèrez de Cuèllar, Boutros Boutros-Ghali et Kofi Annan, entre autres, ont souvent assisté à des réunions des sommets du G7 ou du G8. Ils y sont invités, d'une part, afin d'y représenter le reste du monde, surtout les pays en développement et, d'autre part, afin de présenter différents points de vue sur le développement, l'environnement, les droits de la personne, l'aide humanitaire, la consolidation de la paix, la prévention des conflits etc., toutes questions qui ont progressivement été intégrées à l'ordre du jour des réunions du G7 et du G8.

Le Secrétaire général est fort probablement le " pompier " diplomate le plus en vue de la planète. Lorsqu'une crise menace d'éclater quelque part dans le monde - prenons l'exemple de la Côte d'Ivoire il y a deux ans, où la tenue d'élections truquées a donné lieu à des problèmes incessants et à une escalade de la violence, c'est en grande partie le Secrétaire général qui a coordonné la réponse internationale au conflit avec l'aide du Président français, des chefs d'État des pays voisins et du Secrétaire général de Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Même si son rôle n'a pas fait les manchettes, le Secrétaire général veillait à ce que les mesures appropriées soient suivies.

Les dirigeants et les ministres des Affaires étrangères du G8 reconnaissent pleinement le rôle du Secrétaire général; ils " jouent " presque tous avec lui, pour ainsi dire, sur diverses questions. C'est quelqu'un que l'on veut près de soi; d'ailleurs, au cours des dernières années, le Secrétaire général des Nations unies a toujours été associé d'une manière ou d'une autre aux sommets du G7 et du G8..

Généralement, le G7 et le G8 ne lancent pas des programmes d'action en tant que tels. Il s'agit plutôt d'un forum au cours duquel les gouvernements échangent leurs points de vue, où les uns encouragent les autres à améliorer leur performance dans certains secteurs, où ils tentent de faire face à de nouveaux défis (tels que ceux présentés par les progrès de la génétique) qui émergent souvent pour la première fois à l'agenda diplomatique lors des sommets du G7 ou du G8. Cependant, ils ne peuvent intervenir, ou du moins ne veulent pas intervenir. En fait, ils veulent plutôt que ce soit l'ONU, une agence spécialisée de l'ONU, la Banque mondiale ou le Fonds monétaire internationale (FMI) qui intervienne. Voilà pourquoi la relation de fait entre le G7 et le G8 et ces institutions est beaucoup plus profonde que ne le suggère la simple lecture des journaux.

La question de l'environnement en fournit un bon exemple. Il ne fait aucun doute que les préoccupations majeures liées aux questions environnementales au milieu des années 70 et au cours des années 80 ont stimulé des discussions intenses au sein du G7 presque chaque année. La Conférence des nations unies sur le commerce et le developpement (La Conférence de Rio) de 1992, qui constitue sans contredit un forum clé, a été fortement appuyé par les membres du G7. Le changement climatique a fait l'objet de nombreuses discussions parmi les membres du G7. Ils s'y intéressaient non pas parce qu'ils prévoyaient prendre des décisions définitives sur le changement climatique, mais plutôt parce qu'ils entamaient tous des négociations en vue d'un accord mondial sur les changements climatiques. L'objectif étant de lancer un signal et d'harmoniser les attentes des uns et des autres. On constate, là encore, un rapport relativement étroit entre les discussions informelles soulevées au sommet du G7 et les mesures prises par les Nations Unies - telles que la négociation de nouveaux accords ou la mise en œuvre de nouveaux programmes.

De nombreux sherpas et hauts fonctionnaires du G7 ont été en poste à l'ONU. D'autres font le chemin inverse : certains sherpas sont maintenant devenus ambassadeurs de leurs pays aux Nations unies, comme Jean-David Levitte de la France. Plusieurs anciens directeurs politiques du G8 sont à l'heure actuelle en poste à l'ONU, dont Paul Heinbecker, l'ambassadeur du Canada et Sir Jeremy Greenstock, l'ambassadeur de la Grande-Bretagne. Le lien entre ces forums est donc beaucoup plus étroit que ce qu'on peut imaginer.

B. Le relation entre l'ONU et le G8 sur la sécurité

Entrons maintenant dans le vif du sujet. Le G8, par sa faute, est presque toujours mené par des nouveaux développements politiques. Les sherpas et les représentants du G7 font de grands efforts pour que les leaders du G7 se concentrent sur les questions économiques importantes de l'heure. Pour les dirigeants toutefois, l'économie est un sujet très ennuyeux. Il n'en était pas ainsi pour les fondateurs du G5, Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt. Anciens ministres des Finances, ils étaient passionnés par les finances internationales. La plupart des leaders d'aujourd'hui ne bénéficient pas d'une telle formation. Il sont bien plus des " bêtes " de la politique et préfèrent de loin traiter des crises politiques.

Par conséquent, les réunions du G8 d'aujourd'hui ont implicitement, quoique involontairement, tendance à traiter des crises politiques. Citons par exemple le cas du Kosovo, de la Tchetchénie ou du Proche-Orient. La situation au Proche-Orient est presque toujours à l'ordre du jour du G7 et du G8. Cependant, ces problèmes sont aussi traités de façon active, souvent par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Le cas du Kosovo constitue un exemple intéressant de la relation réelle entre le G8 et le Conseil de sécurité des Nations unies. Pendant l'hiver 1999, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a mis ses menaces à exécution contre l'ancienne Yougoslavie en lançant une campagne militaire, une campagne aérienne en fait, pour libérer le Kosovo de l'armée Serbe. L'OTAN aurait pu chercher à obtenir l'autorisation du Conseil de sécurité, mais la Russie menaçait d'appliquer son droit de veto. Les Russes furent très mécontents de l'intervention de l'OTAN, d'autant plus que l'on avait contourné le Conseil de sécurité, ce qui rendait, à leurs yeux, une telle intervention illégale. Heureusement, les Russes sont maintenant membres du G8. Les directeurs politiques du G8 se sont donc réunis à Berlin, sans fanfare, loin des caméras, où ils ont convenu d'une solution à la crise. Même si la solution n'a pas reçu l'appui de tous, elle était quand même acceptable.

Cette formule, mise au point entre les directeurs politiques du G8 et présentée devant le Conseil de sécurité au début de juin 1999, puis adoptée sous le nom de Résolution 1244, régit l'ordre constitutionnel du Kosovo. Cette situation est plutôt inhabituelle. En général, l'influence exercée par le G8 et les Nations unies est beaucoup plus informelle.

C. Le relation entre l'ONU et le G8 sur le développement

Un point qu'il est essentiel de soulever, puisqu'il est d'une importance capitale pour les membres des Nations unies et les Secrétaires généraux qui se sont succédés à la tête de l'organisation, a trait à la politique et à l'aide au développement. Les membres du G7 et la Russie, mais principalement les membres du G7 dans ce contexte, ne joignent pas nécessairement le geste à la parole dans ce domaine. Ils promettent quasiment toujours d'augmenter l'aide au développement, mais le font très rarement. Les Secrétaires généraux de l'ONU font de grands efforts pour rappeler aux dirigeants du G7 qu'ils doivent respecter leurs engagements. Nous verrons, par exemple, si le Sommet de Kananaskis confirmera les engagements de la réunion de Monterrey sur le financement du développement durable de mars dernier.

Ce n'est donc pas par pur hasard que le premier ministre du Canada a annoncé une augmentation importante du budget canadien d'aide au développement international l'année même où le Canada reçoit le Sommet du G8. Il aurait été plutôt gênant pour le Canada de réduire davantage son budget alors qu'il est hôte du G8. Ainsi, le Secrétaire général profite toujours des processus de type G8 pour inciter les dirigeants à passer de la parole aux actes en matière d'aide au développement.

Le Secrétaire général, tout comme le président de la Banque mondiale qui assiste parfois à certaines réunions du G7, a toujours été prêt à discuter librement de la politique en matière d'aide au développement, des erreurs commises par rapport aux efforts qui sont déployés et des points à améliorer. De plus, au cours des dernières années, plusieurs personnalités des pays en voie de développement ont rencontré les dirigeants du G7 dans les jours qui précèdent le Sommet. Le Secrétaire général est une personne très prisée dans le cadre de ces consultations en marge du Sommet. Les chefs d'État des pays en développement, notamment ceux de l'Afrique, le considèrent comme leur plus grand allié et leur meilleur intermédiaire avec des dirigeants du G7 qu'ils perçoivent comme indifférents ou insensibles à leurs problèmes. Cela montre à nouveau que les relations entre l'ONU et le G7/G8 sont beaucoup plus étroites qu'on ne pourrait le penser à première vue.

En conclusion, les relations entre le G8 et l'ONU ont deux dimensions importantes :

Une dimension de coopération informelle qui repose essentiellement sur des individus mais aussi sur la nécessité de coordonner les messages et actions qui émanent de ces deux institutions;

Une dimension potentiellement conflictuelle dans la mesure où le G8 peut être perçu comme une tentative de contourner le modèle de gouvernance multilatéral dominant depuis 1945 représenté par l'ONU. Or, il manque un attribut essentiel à l'efficacité de chacune de ces deux institutions : le problème du G8 est la légitimité, celui de l'ONU sa capacité d'action. Mais ce sont aussi des atouts que chacune peut apporter à l'autre.

Réferences

Malone, David, " The 'Primary Responsibility' of the Security Council to Maintain International Peace and Security - Is Article 24 of the UN Charter in Line with Reality? " dans W. Kühne et J. Prantl (éditeurs), The Security Council and the G8 in the New Millennium (Stiftung Wissenschaft und Politik: Berlin), 2000.

Weiss, Thomas et Gordenker, Leon (éditeurs), NGOs, the UN, and Global Governance (Lynne Rienner Publishers: Boulder, CO), 1996.

Weiss, Thomas, Forsythef, David et COATE, Roger, The United Nations and Changing World Politics, 3ième édition (Westview Press, Boulder, CO), 2001.

Documents supplémentaires suggérés

Bayne, Nicholas, " The G7 Summit and the Reform of Global Institutions ", Government and Opposition vol. 30, no. 4 (autumne), p. 492 à 509, 1995. http://www.g7.utoronto.ca/g7/scholar/bayne1995/index.html (mai 2002).

Johnstone, Robert, " Global Governance ", Literary Review of Canada vol. 10, no. 4, p. 10 à 11, 2002. http://www.g7.utoronto.ca/g7/scholar/johnston2002/May2002Johnstone.pdf (mai 2002).

Kirton, John, et Richardson, Sarah (éditeurs), The Halifax Summit, Sustainable Development, and International Institutional Reform. Ottawa: National Round Table on the Environment and the Economy, 1995. http://www.g7.utoronto.ca/g7/scholar/kirton199503/index.html (mai 2002).

anglais



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Cette page a été mise-à-jour le 02/09/07.

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