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Revised Tuesday, 16-Dec-2003 12:34:00 EST | English | Commentaires | Contactez-nous | Centre d'information sur le G8 |
6. Le respect des engagements suite aux sommets du G8, Philippe Faucher
Lien à la video Bonjour, je suis Philippe Faucher, professeur au département de science politique de l'Université de Montréal. Au cours de cet exposé, j'aborderai la question du respect des engagements pris dans le cadre des sommets G8 en examinant certaines données empiriques sur le sujet, et je tenterai de répondre aux trois questions fondamentales suivantes :
Il y a toujours eu des doutes sur la capacité du G8, en tant qu'institution collective, à faire respecter les engagements pris par ses membres une fois que le sommet est terminé, que les médias ont plié leur matériel et que dirigeants ont quitté les lieux. Puisque le G8 regroupe des états autonomes et souverains, dont les chefs élus démocratiquement veillent à des intérêts et à des besoins nationaux différents, il est fort possible que les engagements collectifs pris une année ne puissent pas être respectés par le gouvernement national l'année suivante. Toutefois, il semble peu logique pour les dirigeants d'investir du temps et des ressources et de mettre leurs réputations politique et personnelle en jeu afin de prendre des engagements collectifs qu'ils n'auraient pas l'intention de respecter après le sommet. Ces rencontres sont donc importantes, car elles ont donné lieu, au fil des ans, à des engagements tangibles et crédibles qui se sont révélés favorables, adaptés et, dans certains cas, ambitieux. A. Définition des engagementsAvant de décrire les tendances relatives au respect des engagements, il est important de s'entendre sur ce que signifie le terme " engagement ". Un engagement est une déclaration d'intention définie, précise, publique et collective; autrement dit, il s'agit d'une " promesse " faite par des dirigeants qui se montrent déterminés à prendre les mesures nécessaires pour atteindre un objectif précis. Cette définition comprend plusieurs critères :
Compte tenu de notre définition d'un engagement, que faut-il à présent entendre par " respect "? Le respect d'un engagement a lieu lorsque les gouvernements nationaux modifient leur propre comportement et celui de leur société afin d'atteindre un objectif ou de réaliser un engagement précis. En d'autres termes, les chefs sanctionnent leurs engagements en adoptant les mesures et actions suivantes:
B. Mesure du respect des engagementsDans quelle mesure les engagements pris au cours des sommets sont-ils respectés? L'étude de George von Furstenberg et de Joseph Daniels (1992) montre que les engagements pris dans le cadre des sommets ont été comparés aux initiatives en matière d'économie et d'énergie prises entre 1975 et 1989, le taux global de leur concrétisation se chiffrant dans ces cas à 32 %. Les données variaient selon le pays et les problèmes abordés; le Canada et la Grande-Bretagne affichaient le taux le plus élevé dans les domaines du commerce international et de l'énergie, alors que les États-Unis et la France montraient le taux le plus faible, en particulier dans les domaines de la gestion des intérêts et des taux de change. Les études subséquentes, effectuées en 1997 par John Kirton et Ella Kokotsis dans les domaines de l'environnement et du développement entre 1988 à 1995 (l'accent étant mis sur le Canada et les États-Unis dans le cadre élargi du G8), indiquent un respect des engagements généralement satisfaisant, le taux global s'élevant à 43 %. Encore une fois, les résultats variaient selon le pays, le Canada affichant un taux de 53 % et les États-Unis, un taux de 43 %. Le respect des engagements se révèle en général plus prononcé dans les domaines de l'endettement et de l'aide internationale que dans les questions touchant l'environnement, tout particulièrement celles portant sur le changement climatique et de la biodiversité. Depuis 1995, le Groupe de recherche sur le G8 à l'Université de Toronto évalue chaque année si les principaux engagements pris lors des sommets du G8 et figurant dans le communiqué final du sommet ont été respectés, en utilisant des méthodologies semblables à celles des études précédentes. Les résultats en matière de respect des engagements pour cette période sont les suivants:
Le taux moyen du respect des engagements entre 1996 et 2000 se chiffre approximativement à 41 %, ce qui est conforme aux résultats par figurant dans les études de Kirton et Kokotsis sur le cycle de sommets précédent. Le taux le plus élevé est associé au domaine de la sécurité politique, se chiffrant à 67 % (ce domaine comprend entre autres les relations Est-Ouest traditionnelles, le terrorisme, le contrôle des armements, la sécurité régionale et la prévention des conflits), alors que les secteurs économiques clés ont obtenu un taux de 37 %, suivis des problèmes transnationaux (34 %) et de la gouvernance mondiale axée sur les réformes de l'ONU (14 %). La Grande-Bretagne continue à occuper le premier rang, suivie des États-Unis, du Canada, de l'Italie, du Japon, de l'Allemagne et de la France, alors que l'Union européenne (UE) et la Russie occupent toujours le dernier rang. C. Interprétation des résultats en matière du respect des engagementsQuelle signification peut-on attribuer aux résultats présentés? Avec la participation directe des chefs et l'exclusion des fonctionnaires de second rang, les chefs d'État ou de gouvernement doivent examiner et modifier eux-mêmes les ententes et s'accorder sur leur mise en oeuvre dans leurs pays respectifs. L'appui que les dirigeants du sommet obtiennent auprès de leur électorat et les engagements qu'ils soutiennent leur procurent un avantage politique important. Lors du dernier cycle de sommets, le G8 a été épargné des incertitudes électorales en raison de la réélection récente de Clinton, Blair et Chrétien et en raison de la longévité relative des gouvernements en Italie et en France. Cela signifie qu'il y a présence de chefs plus expérimentés, plus de compétence au sein du G8 et des attentes davantage équilibrées, ce qui favorise le respect des engagements pris au cours des sommets. Le respect des engagements est à son plus élevé lorsque les structures administratives et bureaucratiques d'un pays permettent une mise en oeuvre rapide de ces engagements. Par exemple, les ministères des finances et des affaires étrangères servent de tremplins à la mise en oeuvre des engagements du G8, alors que les ministères plus petits et moins institutionnalisés (par exemple le ministère de l'environnement) ne disposent pas des centres de coordination nécessaires pour soutenir les activités du G8. Les taux de respect des engagements sont élevés lorsque ceux-ci font également partie de l'agenda d'organismes plus importants, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale; ainsi, les membres du G8 étendent les engagements pris avec d'autres organismes à leurs propres réunions annuelles. Les facteurs de politique intérieure sont également importants, car les engagements sont généralement respectés lorsque leurs instigateurs jouissent de crédibilité, de popularité et de l'appui de leur parti, et qu'ils se sont engagés personnellement au G8 en tant qu'institution. L'étendue des institutions ministérielles du G8 a également pris de l'ampleur au fil des ans, tout particulièrement au cours des 3e et 4e cycles du sommet. Cet épanouissement allège le fardeau des chefs en permettant à d'autres intervenants de préparer et de mettre en oeuvre les ententes et les engagements du G8; les chefs d'État peuvent alors se consacrer aux questions les plus difficiles et pressantes. Par exemple, lorsque le taux de respect des engagements a augmenté en 1998, les dirigeants, pour la première fois, n'étaient pas accompagnés de leurs ministres des finances et des affaires étrangères, ce qui leur a permis d'aborder des thèmes précis, exigeant de comprendre à fond les dossiers et de veiller davantage au respect de leurs ententes, ce qui s'est traduit par un plus grand respect des engagements l'année suivante. La baisse très prononcée dans le respect des engagements entre 1997 et 1998, suivie d'une montée importante entre 1998 et 2000, reflètent les changements apportés au format du sommet au cours de ces deux années. L'année 1997 a été marquée par l'admission de la Russie au sommet de Denver, ce qui a laissé très peu de temps aux dirigeants du G7 pour se rencontrer et discuter d'autres questions. La participation élargie des membres et le manque de volonté à traiter des sujets importants ont peut-être créé un climat peu favorable à la prise d'engagements, ce qui permet de comprendre le faible taux de respect des engagements l'année suivante. En revanche, le sommet de Birmingham de 1998 a confirmé la présence de la Russie en tant que membre permanent et ainsi, favorisé à nouveau le respect des engagements. Durant le quatrième cycle du sommet (1996-2000), la Grande-Bretagne s'est classée première en matière d'engagements respectés, suivie des États-Unis, du Canada, de l'Italie, du Japon, de l'Allemagne et de la France. L'UE et la Russie sont arrivées bonnes dernières en raison de la lourdeur des instances décisionnelles de l'UE et de la faible capacité de mise en oeuvre de la Russie. Ces données appuient l'argument selon lequel les régimes démocratiques dirigés par des chefs élus par un vote national, contribuent à faire augmenter le taux de respect des engagements au fil des ans. D. ConclusionsIl est important de connaître dans quelle mesure chaque membre du sommet respecte les engagements des années précédentes, car ce genre d'interrogation permet au G8 de prendre les mesures correctives qui s'imposent. De plus, cet exercice permet d'évaluer la crédibilité que les dirigeants apportent à la table du sommet et de déterminer si les résultats, annoncés à la fin des rencontres, doivent être réellement pris au sérieux. Cela dit, une évaluation systématique du respect des engagements endossés au cours des sommets est une vaste entreprise, exigeant des capacités analytiques et de traitement de données considérables. Ces études sont utiles dans la mesure où elles permettent de définir et de repérer les engagements pris à la suite des délibérations des chefs d'État. Elles permettent de définir et mesurer le respect des engagements en fonction de critères précis. Toutefois, elles ne sont pas parfaites, il ne faut donc pas hésiter à contester, à confirmer et à compléter les résultats d'une telle évaluation. Le sommet du G8 à Kananaskis réunira un groupe de dirigeants relativement expérimentés, dont la plupart jouissent de popularité dans leurs pays respectifs. Le soutien accordé aux dirigeants sera un facteur contributif au succès du sommet. Cependant, certaines questions demeurent sans réponse : par exemple, faut-il permettre à la Russie de devenir hôte en 2003, et si oui, quel en sera l'impact sur le respect des engagements pris au cours du sommet? Comme il a été démontré, le sommet d'Okinawa tenu au Japon était certainement l'une des rencontres du G8 les plus importantes jamais réalisées, et certainement un modèle en termes d'engagements respectés. Pendant que nous poursuivons les évaluations analytiques du sommet de Gênes, nous souhaitons que l'ordre du jour à Kananaskis soit ambitieux et espérons fortement que le succès des sommets, lequel est mesuré par le respect des engagements, se poursuivra, au cours du prochain cycle de sommets, au-delà de l'exemple japonais. Note: Cette conférence a été préparée en collaboration avec Ella Kokotsis. RéférencesKOKOTSIS, Eleonore, Keeping International Commitments: Compliance, Credibility and the G7, 1988-1995, Garland, New York, 1999 (particulièrement p. 3-36, 267-289). KOKOTSIS, Ella et Joseph DANIELS, " G8 Summits and Compliance ", p. 75-94 dans Michael HODGES, John KIRTON et Joseph DANIELS, The G8's Role in the New Millennium, Ashgate, Aldershot, 1999. KOKOTSIS, Eleanore et John KIRTON, " National Compliance with Environmental Regimes: The Case of the G7, 1988-1995 ". Préparée pour le congrès annuel de l'International Studies Association, 18-22 mars 1997, Toronto. VON FURSTENBERG, George et Joseph DANIELS, " Economic Summit Declarations, 1975-1989: Examining the Written Record of International Co-operation ", Princeton Studies in International Finance, no. 72, 1992. Documents supplémentaires suggérésDANIELS, Joseph et KOKOTSIS, Ella, " Summit Compliance: Are Summit Commitments Meaningful? ". Préparé pour le symposium " Explaining Summit Success: Prospects for the Denver Summit ", University of Colorado at Denver, 19 juin 1997 www.g7.utoronto.ca/g7/annual/daniels1997/index.html (mai 2002). JURICEVIC, Diana, " Compliance with G8 Commitments: Ascertaining the degree of Compliance with Summit Debt and International Trade Commitments for Canada and the United States 1996-1999 ". Préparé pour le cours POL 495Y (Professeur John Kirton), Department of Political Science, University of Toronto. www.g7.utoronto.ca/g7/scholar/juricevic2000/index.html (mai 2002). KIRTON, John et Ella KOKOTSIS, " Compliance with G8 Commitments: The Peace and Security and Conflict Prevention Agenda, From Okinawa 2000-Genoa 2001 ". Préparé pour la Direction de la planification des politiques du Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en préparation pour la présidence canadienne du ministres de l'étranger de G8 en 2002, 24 October 2001 www.g7.utoronto.ca/g7/scholar/kirton2001/kirton-kokotis.pdf (mai 2002). KOKOTSIS, Ella, " Keeping Sustainable Development Commitments: The Recent G7 Record ", p. 117 à 133 dans John KIRTON et Sarah RICHARDSON, The Halifax Summit, Sustainable Development, and International Institutional Reform, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, Ottawa, 1995. VON FURSTENBERG, George et Joseph DANIELS, " Can You Trust G-7 Promises? ", International Economic Insights, vol. 3, septembre/octobre 1992, p. 24-27.
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