G8 Information Centre, Online Lectures 2002

Revised Tuesday, 16-Dec-2003 12:34:00 EST English | Commentaires | Contactez-nous | Centre d'information sur le G8

8. Le G8 rapports avec la société civile, Philippe Le Prestre

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Bonjour. Je suis le professeur Philippe Le Prestre, directeur de l'Observatoire de l'écopolitique internationale de l'Université du Québec à Montréal, au Canada. Au cours de cet exposé, je vous parlerai de la relation de plus en plus importante entre le G8 et la société civile qui suscite beaucoup de passions.

A. Introduction

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, et plus particulièrement depuis la fin de la guerre froide, l'un des phénomènes internationaux les plus importants a été la prolifération des organisations non gouvernementales (ONG) et d'autres organisations de la société civile. Les ONG ont étendu leurs efforts et leurs activités à tous les domaines, entre autres, le développement, les droits de la personne, les activités humanitaires, l'environnement, la paix et la sécurité, ainsi que la science et la technologie. Les ONG n'ont pas seulement augmenté en nombre et élargi leur portée, elles exercent maintenant un rôle et une influence plus grands. L'un des principaux facteurs de cette croissance de l'influence des ONG est leur utilisation efficace de la technologie de l'information et des médias.

Plusieurs organisations de la société civile ont établi des liens avec des organisations gouvernementales au niveau international. Par exemple, depuis sa création, l'Organisation des Nations Unies a cultivé une relation consultative formelle avec un grand nombre d'ONG. D'autres organisations internationales ont également noué des relations structurées plus ou moins stables avec un certain nombre d'ONG dont les intérêts sont semblables aux leurs.

Par contre, puisque le G8 est une institution généralement non bureaucratique et flexible, il n'est pas surprenant que ses relations avec les groupes de la société civile revêtent un caractère informel. Dans la prochaine section de mon exposé, je discuterai brièvement de l'historique de l'interaction du G8 avec la société civile.

B. Un bref historique des relations entre le G8 et la société civile

L'historique des relations entre le G8 et la société civile se divise en trois phases. La première phase a débuté à la création du G7 en 1975 et s'est poursuivie jusqu'en 1983. Au cours de cette phase, la société civile et le G7 ne se prêtaient pratiquement aucune attention. Il s'agissait d'une non-reconnaissance mutuelle; d'un côté, les groupes de la société civile ne semblaient pas attirer l'attention des dirigeants du G7 et du système G7, et de l'autre, les ONG et la société civile dans l'ensemble ne reconnaissaient pas la puissance et l'importance du G7 en tant que G7, même s'ils étaient conscients, bien entendu, de la puissance de chaque pays membre du G7.

La deuxième phase a duré environ dix ans, c'est-à-dire de 1984 à 1994. Pendant cette phase, le G7 a élargi son ordre du jour afin d'inclure plusieurs questions allant au-delà du sujet initial, soit la coordination des politiques macroéconomiques. La société civile a commencé à reconnaître que le G7 était une cible légitime sur laquelle elle pouvait exercer des pressions (sur le plan positif) et à laquelle elle pouvait s'opposer (sur le plan négatif). Cette situation est justifiée puisque bon nombre de ces nouvelles questions étaient très importantes pour un grand nombre d'ONG. En outre, il devenait de plus en plus évident que le G7 constituait effectivement un groupe puissant et qu'il était devenu une institution mondiale importante. La réaction initiale de la société civile face aux questions soulevées par le G7 en était une plutôt d'indifférence. Cette indifférence se manifesta tout particulièrement lors de The Other Economic Summit. Le premier sommet de ce genre fut organisé par The Other Economic Summit du Royaume-Uni, située à Londres, et connue plus tard sous le nom de New Economics Foundation, et se déroula en même temps que le Sommet du G7 à Londres, en 1984. Au cours des années suivantes, des délégations de l'Autre sommet économique ont participé aux sommets du G7, puis, en 1988, l'Autre sommet économique est devenu un événement distinct. En général, il s'agissait d'une coalition de la société civile formée de différentes ONG. Il avait lieu dans la même ville que le sommet du G8, et il offrait des ateliers et des démonstrations. Au cours des dernières années, l'importance de l'Autre sommet économique a diminué. Il a été remplacé en général par une approche plus axée sur les questions du G7, puis du G8. L'un des premiers exemples d'activités axées sur les questions de la société civile est le sommet sur l'environnement de 1991 qui a eu lieu à Londres, en même temps que le Sommet du G7.

La troisième phase a débuté en 1995, année où le G7 a reconnu la société civile. C'est lors du Sommet d'Halifax de cette même année que les termes " société civile " et " ONG " ont d'abord été utilisés dans les documents officiels du G7. L'objectif était de promouvoir un développement durable et la réforme des institutions financières internationales. Le communiqué d'Halifax stipulait que l'Organisation des Nations Unies et les institutions de Bretton Woods devaient avoir pour objectif la transparence et la responsabilisation du public, l'application de règles juridiques stables et la promotion d'une société civile active. Au cours des sommets subséquents, le G8 a reconnu, du moins dans ses documents officiels, le rôle de plus en plus important de la société civile en ce qui a trait aux questions environnementales, à la gouvernance démocratique, à la réduction de la pauvreté, etc. Plus récemment, au Sommet de Cologne en 1999, le G8 a demandé à toutes les parties intéressées (gouvernements, organisations internationales, entreprises et société civile) de travailler ensemble afin d'exploiter toutes les possibilités de mondialisation. En plus des sommets annuels, d'autres échelons du système G8 (notamment, diverses rencontres ministérielles) ont souligné l'importance de la société civile.

C. Birmingham, Cologne, Okinawa et Gênes

Le Sommet de Birmingham en 1998 a été un grand tournant au plan de la relation entre le G8 et la société civile. C'est là que la coalition du Jubilé 2000, qui exerçait des pressions en faveur de l'allégement de la dette, a organisé une spectaculaire chaîne humaine composée de 70 000 manifestants pacifiques qui ont entouré le site du sommet et ont présenté une pétition aux dirigeants demandant l'annulation de la dette. Au nom du G8, le dirigeant du pays hôte, le premier ministre britannique Tony Blair, a répondu par l'entremise d'un document distinct, puis a félicité la campagne du Jubilé 2000 pour avoir présenté une cause aussi convaincante. Le Jubilé et les organisations qui lui ont succédé ont été appuyés par de grands noms tels que la vedette irlandaise de musique rock Bono, l'ancien boxeur Mohammed Ali, le pape Jean-Paul II, le dalaï-lama et l'archevêque Desmond Tutu.

En vue du Sommet d'Okinawa de 2000, le gouvernement du pays hôte, le Japon, a nommé un directeur général responsable de la participation de la société civile. Cette personne était toujours en contact avec un certain nombre de groupes de la société civile. Le Japon a également parrainé ou organisé plusieurs événements en marge du sommet auxquels la société civile a participé, notamment un symposium international sur le rôle des ONG dans la prévention des conflits. De plus, le gouvernement du pays hôte a établi un centre destiné aux ONG pour la durée du sommet, leur offrant des installations techniques de rencontre et de travail. Un dialogue a eu lieu entre le gouvernement japonais et les dirigeants de la société civile, en Europe avant le sommet, ainsi qu'au Japon, quoique la société civile considère que le niveau de dialogue était inférieur à celui qui avait eu lieu à Birmingham.

La tendance des manifestations généralement pacifiques s'est poursuivie jusqu'aux sommets de Cologne en 1999 et d'Okinawa en 2000. Cependant, les manifestations et le " théâtre d'intervention " ne représentent qu'un seul volet des activités de la société civile, même s'il s'agit du volet qui semble attirer le plus l'attention des médias. Les activités consistant à exercer des pressions et à défendre des causes, ainsi que la préparation et la diffusion de documents de politique, constituent d'autres volets du travail important effectué par les ONG et d'autres groupes de la société civile. Dans le cadre de telles activités, les ONG consultent souvent les gouvernements, les organisations internationales, les experts académiques, les entreprises et toute autre partie intéressée. Dans plusieurs cas, ce type d'activité a permis à la société civile d'exercer une influence importante sur la politique officielle, notamment dans le cas du traité d'interdiction des mines terrestres et de la Cour pénale internationale. Comme il a été souligné plus tôt, un facteur très important de l'influence croissante de la société civile a été son utilisation efficace des technologies de l'information et des communications, et particulièrement de l'Internet.

Dans le cadre du Sommet de Gênes de 2001, les questions abordées par les ONG touchaient une vaste gamme de secteurs, notamment l'environnement, les droits de la femme, l'endettement, la santé et l'éducation. Avant le sommet, les groupes de la société civile ont clairement communiqué leur intention de manifester et de protester de façon pacifique contre la mondialisation économique et en faveur de l'avancement de l'allégement de la dette. Ils ont exprimé leurs inquiétudes concernant les groupes anarchistes et les autres groupes potentiellement perturbateurs ou violents qui pourraient compromettre leur manifestation démocratique pacifique. Le Sommet de Gênes a été perturbé par des actes de violence ainsi que par la brutalité des policiers. Un jeune anarchiste italien y a même perdu la vie.

La société civile a dressé un bilan plutôt négatif du Sommet de Gênes. Ses critiques relativement à l'appui donné par les dirigeants au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme étaient plutôt partagées. Elle considère que le G8 a échoué en matière de résolution de la crise d'endettement, sauf peut-être au plan de l'éducation.

D. Kananaskis

Les trois principaux thèmes à l'ordre du jour du Sommet de Kananaskis en 2002 (le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, ou NEPAD, la croissance durable et la lutte contre le terrorisme), et plus particulièrement les deux premiers, ont donné lieu à une plus grande participation de la société civile. Le gouvernement du Canada, pays hôte, a pris un certain nombre de mesures afin d'atteindre cet objectif. Sous la direction du sherpa Robert Fowler, une série de longues consultations avec des groupes de citoyens ont été menées. De plus, le gouvernement a déployé des efforts afin de sensibiliser tous les niveaux du public au G8 et à son rôle. Le gouvernement a également lancé un site Web impressionnant dédié au sommet, et il a prévu un financement généreux pour le Sommet des peuples de 2002 qui aura lieu à l'Université de Calgary. Bien qu'ils soient louables, ces efforts n'égalent pas les consultations fructueuses du gouvernement britannique avec la société civile lors du Sommet de Birmingham (que plusieurs groupes de la société civile considèrent les meilleures discussions jusqu'à présent), les discussions profondes (incluant des groupes de réflexion ainsi qu'un grand nombre de groupes de la société civile) menées par le gouvernement italien avant le Sommet de Gênes, ni le soutien offert par le gouvernement japonais au Sommet d'Okinawa (notamment, l'établissement du centre destiné aux ONG situé près du site du sommet).

Selon les renseignements obtenus auprès de la société civile, nous savons que même si les initiatives gouvernementales à l'égard des acteurs non étatiques sont imposantes, la société civile ne suit pas les indications du gouvernement, et élabore ses stratégies conformément à ses propres conditions et non à celles du gouvernement. Plusieurs rencontres avec les ONG et autres préparatifs ont déjà eu lieu en vue du Sommet de Kananaskis. L'activisme en ligne est très présent, comme le démontrent plusieurs sites Web, notamment le site intitulé " G8 Activism " et le site du Partenariat Afrique-Canada. Plus le Sommet de Kananaskis approche, plus le nombre de sites Web de ce genre augmentera. Les sites Web officiels des coalitions et des ONG internationales importantes aborderont probablement le sujet des campagnes relatives au G8 et d'autres activités semblables.

Espérons que, dans un esprit de partenariat, le dialogue et les manifestations pacifiques l'emporteront lors du Sommet de Kananaskis afin de permettre l'avancement des questions critiques de notre temps.

E. Conclusions

Quelles leçons peuvent être tirées de ce bref exposé sur la relation entre le G8 et la société civile? En premier lieu, la société civile est devenue un acteur puissant et important au plan de sa relation avec le système G8. Au mieux, la société civile exprime la situation désespérée et les aspirations de ceux qui ont été marginalisés, et elle lutte en faveur de l'extension universelle des avantages offerts par la mondialisation.

En second lieu, il est important de faire la distinction entre la majorité responsable et la minorité violente qui a fait remarquer sa présence aux rencontres internationales importantes depuis la " Bataille de Seattle " de 1999. Les organisations sérieuses de la société civile doivent isoler et prévenir le sabotage des droits démocratiques, des manifestations pacifiques et des programmes légitimes par les groupes violents. Cet aspect est particulièrement important depuis les attaques terroristes du 11 septembre.

En troisième lieu, contrairement aux relations formelles entre la société civile et le système de l'Organisation des Nations Unies, les relations entre le G8 et l'Organisation de la co-opération et développement économiques (OCDE) et d'autres organisations internationales de la société civile sont essentiellement informelles. Il existe une reconnaissance mutuelle du besoin de dialogue et de partenariat entre ces acteurs, ainsi que des tensions découlant des différences et parfois des conflits entre leurs objectifs, leurs stratégies et leurs tactiques. De quelle façon le G8 peut-il former une association des coalitions de la société civile et des ONG responsables? Mon collègue, le professeur John Kirton, a récemment proposé un programme en dix étapes qui pourrait s'avérer utile. Ces suggestions incluent, entre autres, la sensibilisation du public au G8 grâce à la participation des parlementaires au dialogue, et l'utilisation plus efficace des médias.

En dernier lieu, la société civile et le G8 doivent s'entraider. L'injustice de l'endettement des pays les plus pauvres, la dégradation de l'environnement, le manque d'accès aux médicaments abordables pour lutter contre des maladies dévastatrices et les déficits dans le domaine de l'éducation constituent des questions importantes pour la société civile, et c'est elle qui joue un rôle critique en menant des campagnes et en exerçant des pressions. Cependant, ce sont les gouvernements des pays riches, les institutions puissantes telles que le G8, le Fonds monétaires international (FMI), la Banque mondiale et l'Organisation mondiale de commerce (OMC), ainsi que le secteur des affaires qui doivent mettre en oeuvre des mesures en matière d'annulation de la dette, de santé et d'éducation. Une solution visant la participation de plusieurs parties intéressées constitue donc la solution la plus prometteuse.

Note : Ce conférence a été préparé en collaboration avec Peter Hajnal.

Références

BECKER, Kurt, " Between Image and Substance: The Role of the Media ", p. 153 à 166 dans Cesare Merlini, Economic Summits and Western Decision-Making, Croom Helm en association avec l'Institut européen de l'administration publique, Londres, 1984.

Documents supplémentaires suggérés

HAJNAL, Peter, " Civil Society at the 2001 Genoa G8 Summit ", Behind the Headlines 58(1), 2001 www.g8.utoronto.ca/g7/scholar/hajnal2002/hajnal2002may.pdf (mai 2002).

KIRTON, John, " Guess Who Is Coming to Kananaskis ", International Journal 57(1), 2002 www.g8.utoronto.ca/g7/scholar/kirton2002/020507.pdf (mai 2002).

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Questions à débattre

  1. Est-ce que les rock stars comme Bono, l'Edge et Bob Geldof sont importants dans le progrès de la société civile d'encourager les leaders du G8 à être plus attentif et à changer leurs politiques sur la réduction de la dette, le développement africain, etc. ? Pourquoi ?

  2. Est-ce qu'un forum doit exister où les leaders de la société civile peuvent se rencontrer collectivement avec les leaders du G8 à leur sommet annuel ? Si oui, comment est-ce qu'il doit être construit et organisé ?

  3. Tous les membres de G8 sont des démocraties représentatives, donc qu'elle est le rôle des parlementariens ou législateurs dans le processus, la système et sommet du G8?

  4. Qu'est-ce que c'est passé à Gênes, au sujet des rélations entre le G8 et la société civile? Qu'est-ce qu'on doit faire comme conséquence à Kananaskis?

  5. Quelles sont les types divers des acteurs de la société civile qui se présentent au sommets, et quelle sorte de relations devrait chacun avoir avec le G7/G8 ?

  6. La popularité de Bono comme rock star a pu faire beaucoup pour son influence comme un activiste, mais son rôle comme activiste n'a rien fait pour sa carrière comme rock star. Discuter.

Exercice

  1. La Société des Nations a été créée à la fin de:
    1. le Groupe de 77
    2. le World Economic Forum
    3. le Bloc noir
    4. The Other Economic Summit

  2. La première fois que le G7 a utiliser les termes " société civile " et " ONG " à leur sommet était à:
    1. Toronto en 1988
    2. Londres en 1991
    3. Halifax en 1995
    4. Gênes en 2001

  3. Au sommet de 1998 à Birmingham il y avait un grand pression pour l'allégement de la dette de la part de:
    1. Jubilee 1998
    2. Jubilee 2000
    3. EnviReform
    4. l'Organisation de l'unité africaine

  4. Un des leaders de la société civile au sommet au sujet de l'allègement de la dette et le développement africain et le chanteur irlandais Bono du groupe:
    1. The Edge
    2. Riverdance
    3. le Quartette James Joyce
    4. U2

  5. Le Sommet de peuple en 2002 aura lieu à:
    1. l'Université de Toronto
    2. l'Université de Alberta
    3. l'Université de Calgary
    4. l'Université de Kananaskis

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