G8 Information Centre, Online Lectures 2002

Revised Tuesday, 16-Dec-2003 12:34:01 EST English | Commentaires | Contactez-nous | Centre d'information sur le G8

17. Le G8 et l'après-Afghanistan, Albert Legault

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Biographie de l'instructeur

Bonjour, je suis le professeur Albert Legault de l'Université du Québec à Montréal, où j'enseigne dans le domaine des relations internationales.

Dans cet exposé, nous allons aborder le rôle du G8 dans les opérations internationales découlant des événements du 11 septembre, et dont le processus de criminalisation des actes terroristes constitue un élément important. La guerre actuelle contre l'Afghanistan n'est pas véritablement la guerre de l'avenir, mais elle est plutôt un cas particulier. Le G8 était impliqué en Afghanistan bien avant les attentats du 11 septembre, alors qu'il dénonçait la destruction des monuments bouddhistes à Bamiyan comme un acte de barbarie inadmissible. En outre, les qualités de gestion collective du G8 se sont affirmées avant le 11 septembre, à travers l'importance accrue qu'a joué ce groupe lors de la guerre du Kosovo. Le Canada souhaitait que le G8 s'occupe de la gestion de la crise en Afghanistan, mais cette attitude n'a pas prévalu.

L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a été marginalisé par l'intervention unilatérale des États-Unis. En réalité, les États-Unis ne voulaient pas s'encombrer d'une structure décisionnelle difficile à gérer dans un territoire aussi lointain et pour lequel les troupes de l'OTAN n'étaient d'ailleurs pas équipées, sauf en ce qui concerne la dimension maritime. Tous les pays du G8 qui le pouvaient ont cependant apporté leur soutien d'une façon significative, notamment en matière de forces maritimes, avec la participation de la Grande-Bretagne, du Canada et du Japon. Les pays du G8 n'ont donc pas été écartés du programme, même si le groupe dans son ensemble n'a pas eu de rôle militaire particulier à jouer.

La réaction de soutien aux Etats-Unis a toutefois été mondiale, ce qui prouve qu'un large consensus international existe sur la portée et les conséquences des événements du 11 septembre.

  • 136 pays ont offert une assistance militaire aux États-Unis ;
  • 80 pays ont autorisé le survol de leur territoire par des avions américains ;
  • 76 leur ont accordé des droits d'atterrissage ;
  • 23 pays ont accepté la présence de forces militaires américaines sur leur territoire.

Cette réaction internationale relativement unanime est en grande partie due à l'influence du G8.

Les actions antérieures du G8 en matière d'assistance judiciaire et de suppression du financement du terrorisme ont par ailleurs joué un rôle tout à fait unique dans la réaction de la majorité des pays après le 11 septembre :

  • on a procédé à 1 300 arrestations dans 70 pays;
  • on a démantelé en Europe plusieurs réseaux connexes à la structure d'Al-Qaïda;
  • sur le plan financier, 190 pays et juridictions ont exprimé leur appui à la lutte contre le blanchiment de l'argent;
  • 142 pays ont décrété le gel d'avoirs financiers appartenant à des groupes ou associations soupçonnés de servir de front au réseau d'Al-Qaïda;
  • et près de 105 millions d'avoirs reliés à des mouvements proches du terrorisme ont été saisis.

Ça vous donne une idée de l'ampleur de l'appui généralisé, en concordance avec les actions antérieures du G8. (Il faut dire aussi qu'en ce qui concerne les questions de sécurité, le groupe des huit fait office d'antichambre.)

Le G8 a d'autre part fermement soutenu en novembre 2001 le Secrétaire général de l'ONU ainsi que son représentant personnel, l'Algérien Lakdhar Brahimi, dans sa recherche d'une solution au problème afghan (Communiqué des Ministres des Affaires étrangères du G-8 du 26 novembre 2001), fondée sur une représentation multi-ethnique d'unité nationale destinée à garantir l'indépendance et la pleine intégrité du territoire afghan. Le G8 a aussi encouragé et soutenu la reconstruction économique de ce pays à travers la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement et toutes les autres organisations non gouvernementales associées à la Conférence de Tokyo sur la reconstruction de l'Afghanistan, en janvier 2002. Plusieurs des propositions qui ont été présentées à la conférence de Bonn avaient été discutées auparavant au sein du G8, ce qui tend à prouver que cet organisme reste le passage obligé des grands efforts de consolidation de la paix à travers le monde (démontrant par la même occasion qu'il est important de s'entendre au préalable sur où et quand intervenir).

En décembre 2001, les ministres des Affaires étrangères du G8 ont aussi demandé à l'Inde et au Pakistan de s'éloigner du précipice d'actions terroristes préjudiciables à la paix et à la sécurité régionales.

Toutes ces discussions seront reprises lors de la rencontre de Kananaskis. Il faudra décider jusqu'où doit s'étandre la guerre contre le réseau Al-Qaïda, jusqu'à quand et contre qui. Le G8 reste donc un indispensable " ballon d'essai " entre les pays industriels du monde, d'autant plus que la Russie y est maintenant intimement associée et que l'évolution récente de la situation internationale laisse présumer qu'elle jouera un rôle accru avec l'OTAN en matière de lutte antiterroriste et d'interventions en cas de menace contre la stabilité internationale.

Quel sera le rôle du G8 dans la guerre après l'Afghanistan? L'Irak, certainement, est soupçonné d'être un danger. De plus, le mouvement dans la technologie indique un réel danger de prolifération des armes de destruction massive.

Le sommet de Kananaskis sera aussi essentiel à la résolution d'un des problèmes les plus épineux de la lutte antiterroriste : l'interprétation des causes du terrorisme, et donc des mesures appropriées pour l'enrayer. Ici, deux thèses s'opposent. Il y a ceux qui croient que les inégalités sociales et l'écart croissant entre les pays riches et les pays pauvres constituent un terreau fertile pour le terrorisme et qu'il faut par conséquent s'attaquer aux racines mêmes du terrorisme, si on entend le détruire. Mais il y a également ceux qui pensent que le terrorisme s'alimente à des " causes civilisationnelles ", le fameux clash des civilisations de Huntington, ou encore à des regroupements de mafia ou des mouvements criminels qui contrôlent des pans entiers de l'économie de certains pays, et qu'il faut d'abord éliminer ces criminels avant de prévoir des règlements plus globaux fondés sur des principes d'équité et de justice sociale.

Kananaskis sera confronté aux durs problèmes de la réalité et à un examen de conscience sans précédent sur les moyens les plus utiles et efficaces pour résoudre ces problèmes. Une caricature parue dans une revue scientifique fort respectable faisait récemment état des trois stades d'évolution de la pensée : écoute ta raison, écoute ton coeur, et débrouille-toi! Il va falloir non seulement se débrouiller, mais utiliser les moyens politiques pour entamer des discussions pertinentes et constructives. Kananaskis ne peut se permettre d'échouer. Le sommet ne doit pas, en définitive, s'en tenir à " se débrouiller ", mais s'entendre sur et adopter rapidement les moyens d'intervention qui soient les plus adaptés à la situation actuelle.