G8 Information Centre, Online Lectures 2002

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18. Le nouveau plan pour le développement de l'Afrique, Mamoudou Gazibo

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Questions à débattre
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Biographie de l'instructeur

Bonjour. Je m'appelle Mamoudou Gazibo. Je suis professeur au département de sciences politiques à l'université de Montréal. La présentation que je vais faire concerne le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NPDA). Comme vous le savez, le prochain sommet du G8, qui se tiendra en juin à Kananaskis, comporte trois points principaux, parmi lesquels est celui sur le NPDA. C'est donc sur ce sujet que je vais vous parler dans ce cours.

L'Afrique a déjà vu de multiples projets de développement dans les derniers 40 ans. Malgré les échecs confronter par d'autres projet, le NPDA n'est pas qu'un nouveau projet, mais un plan proposé par l'Afrique même, encré dans les idées de la démocratie. Le projet marque une prise de conscience du rôle de l'Afrique dans la mondialisation tant qu'il constate que la pauvreté est un problème mondial. La construction du document jusqu'à maintenant démontre cette prise de conscience importante, cependant, NPDA confrontera des difficultés dans son application. C'est alors que je suggère d'examiner cinq points importants sur le NPDA afin de mieux comprendre ses forces et ses défis. Nous commencerons avec une courte introduction sur le développement du projet, suivi par un revu de ses axes fondamentaux. Par la suite, nous parlerons de la relation entre le G8 et NPDA et les difficultés que le plan confrontera, avant de terminer sur une note optimiste.

De leur côté, les dirigeants africains se rendent compte que l'Occident ne se fait plus d'illusions quant à l'utilité de l'aide accordée à l'Afrique, et que des sommes énormes ont été consacrées à des programmes de développement qui ont échoué pour la plupart. Tout en continuant de réclamer l'aide de l'Occident pour favoriser le développement, ils acceptent de se responsabiliser davantage afin d'assurer le succès de ces programmes. C'est pourquoi le président sud-africain, Thabo Mbeki, et celui du Nigéria, Olusegun Obasanjo, ont élaboré le " Millennium Africa Plan (MAP) " au début de 2000. Combiné avec une autre initiative parallèle du président du Sénégal, l'OMEGA, la Nouvelle Initiative Africaine (NAI) a constitué une synthèse des intérêts économiques et d'idéologie politique. Le NAI a été présenté aux G8 pour la première fois l'année passée au sommet de Gênes. Peu après, le projet a été adopté au niveau continental et a changé de nom pour devenir le NPDA.

Les axes de base du NPDA touche sur tous les aspects de la vie. D'abord et avant tout, la bonne gouvernance est à la base de l'initiative. Le NPDA suggère un mécanisme pour encourager la démocratie et l'investissement du secteur privé. En établissant des états de droit, les dirigeants des pays Africains espèrent réaliser leurs objectives au niveau social, comme la santé et l'éducation, des infrastructures, l'environnement et l'énergie. Chaque un de ces catégories constitue des priorités dans le projet de NPDA.

En échange d'une meilleure conduite des affaires publiques, et d'efforts soutenus de la part des dirigeants africains pour respecter le processus démocratique, adopter de saines pratiques de gestion économique et favoriser l'économie de marché, l'Occident s'engagerait - ou se réengagerait - à fournir une aide importante à l'Afrique en matière de développement. La première tentative pour amener le G8 à s'engager par rapport à cette question - la Russie a un rôle à jouer (mais comme son programme d'aide n'est plus très important, c'est en fait du G7 qu'il s'agit) - pour faire accepter la proposition africaine a eu lieu au Sommet de Gênes en 2001. L'initiative, il faut bien le dire, a été accueilli avec un certain scepticisme par un certain nombre de dirigeants du G7, qui ont eu l'impression qu'elle n'apportait rien de nouveau. Ces dirigeants étaient d'avis que la population est de moins en moins en faveur de l'aide accordée à l'Afrique compte tenu des exemples frappants de mauvaise gestion financière, comme dans le cas de Mobutu au Congo et de beaucoup d'autres. Mais le programme a reçu l'appui de plusieurs défenseurs au sein du G7, dont la Grande-Bretagne et le Canada. Tous les autres pays, bien sûr, ont souscrit en paroles à la nécessité de tenir compte des préoccupations de l'Afrique. Quant aux Français, leur engagement envers les pays africains francophones est important. Mais des doutes subsistaient quant à la possibilité que cette initiative ne soit rien d'autre qu'une façon différente d'obtenir davantage d'argent de l'Occident sans rien offrir en retour.

Toutefois, des événements intéressants se sont produits depuis Gênes. Jean Chrétien, Premier Ministre du Canada, a poursui des efforts importants pour augmenter le support des autres pays du G8. Le système des sherpas, mené par Robert Fowler, a permis d'établir une communication réelle entre les chefs des pays du G8 et ceux d'Afrique. Le résultat serait une politique d'aide basé sur deux critères : premièrement, l'engagement humanitaire de tous les pays ne changera pas et l'aide sera offert sans conditions. L'autre type d'aide est la plus innovatrice. Prenant son exemple des principes de la bonne gouvernance et de la conditionnalité, le nouveau base pour l'aide sera visé sur le principe de sélectivité, ou les pays ayant réalisés des reformes démocratiques seront accordés d'aide financier.

Dans un autre exemple, le Zimbabwe, comme nous le savons tous, s'est rapidement écarté de la voie démocratique au cours des dernières années. La situation a atteint son point culminant lors des élections au printemps de 2002, dont on a dit un peu partout à l'extérieur de l'Afrique qu'elles n'avaient pas été libres et loyales, même si de nombreux Africains ont eu l'impression que les médias occidentaux et certaines organisations contrôlées par l'Occident s'en sont pris au Zimbabwe simplement parce qu'il s'agit d'un pays africain.

Quoi qu'il en soit, le groupe du Commonwealth qui s'est réuni pour décider des mesures à prendre à la suite des élections au Zimbabwe était formé de deux dirigeants africains et du premier ministre australien. Les deux dirigeants africains, Mbeki et Obasanjo, qui n'ont pas été choisis par hasard, se sont rangés du côté de l'Australie en considérant que les élections n'avaient pas été libres et loyales et en étant d'accord pour suspendre le Zimbabwe pendant un an.

Quel que soit l'état de la situation au Zimbabwe, elle a permis au G7 de se rendre compte que les dirigeants africains sont probablement plus sérieux qu'on l'aurait cru en ce qui concerne la gouvernance, la démocratisation et la saine gestion. Et c'est plutôt de bon augure pour les discussions qui doivent se dérouler à Kananaskis sur le NPDA.

Certains problèmes sont à prévoir, toutefois, en ce qui a trait au NPDA. Le premier critique regard le méprise des intellectuels africains envers le projet. Les remèdes du neo-liberalisme et des projets introduisent au niveau exécutif, c'est-à-dire " top down ", ont invité le scepticisme des Africains de tous les pays, et a ouvert la porte pour un débat sur la légitimité de l'effort. Cependant, la relation entre le NPDA et les institutions de finances internationales n'est pas toute à fait clair. Jusqu'à maintenant les institutions de finances, telles que la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) n'ont pas adopté l'initiative comme leur prochaine politique d'aide. Alors, de ce point de vu, la NPDA reste un projet alternatif.

Une troisième difficulté concerne la souveraineté. Le NPDA est un projet d'un pourvu continentale. À présent, c'est difficile à voir comment des états dans des différents stages de développement vont réussir à garder leur souveraineté et comment ils feront des compromises sur des champs d'intervention qui sont traditionnellement sous l'administration de l'état. Ce problème souligne un autre conflit qui est aussi cité parmi les critiques du NPDA. Dans un projet continental, le besoin de la stabilité pour le climat d'investissement risque d'aller à l'encontre de la démocratie, comme nous rappelons dans l'exemple de Zimbabwe.

Les fonds affectés à l'aide au développement ne sont pas élastiques. En fait, les dirigeants parlent abondamment d'accroître l'aide qu'ils sont prêts à accorder, mais les mesures concrètes sont rares. Par conséquent, au cours d'une année où la reconstruction de l'Afghanistan constitue une priorité pour la communauté internationale et où la reconstruction de la Cisjordanie à la suite des violences récentes sera probablement prioritaire pour les Européens, les Américains et les Japonais; y aura-t-il vraiment plus d'argent pour l'Afrique?

Autrement dit, si les Africains remplissent leurs engagements, le G7 sera-t-il en mesure d'en faire autant? Nous ne le savons pas encore, mais les pourparlers à Kananaskis devront permettre - pour s'avérer profitables - d'établir de façon claire et réaliste ce que sont réellement en mesure de faire les grandes puissances occidentales, les institutions financières internationales et les banques régionales pour renforcer l'aide accordée à l'Afrique. De nombreux groupes aux États-Unis - et pas seulement aux États-Unis - estiment que l'aide au développement est tout à fait inefficace, ne servant qu'à soutenir des régimes indésirables, et que les fonds sont dilapidés ou servent à alimenter la corruption.

Mais les faits nous montrent que ce n'est pas le cas dans bien des situations. Lorsque les gouvernements établissent un cadre adéquat pour la gestion de l'économie, lorsque la vie publique et la vie politique sont marquées par l'honnêteté et une certaine transparence - c'est le cas du Ghana par exemple, ou de l'Ouganda, il y a quelques années en particulier - l'aide financière peut se révéler fort efficace. Et c'est exactement ce que démontre une étude récente de la Banque mondiale.

Mais il est tout à fait indispensable de bien définir le cadre stratégique, et les présidents Mbeki et Obasanjo pourraient avoir du mal à convaincre leurs homologues africains d'apporter les changements nécessaires afin d'établir le genre de structures et de politiques qui permettront non seulement d'obtenir une aide accrue mais, ce qui importe davantage, d'attirer les investissements du secteur privé international. Paris ne s'est pas fait en un jour. Les moeurs d'un continent n'évolueront pas d'un jour à l'autre, et le G7, dont le fonctionnement est marqué par une certaine sclérose et qui tient également un double langage, ne changera pas du jour au lendemain. Pourtant, le NPDA, à mon avis, est une initiative porteuse d'avenir. Son succès repose en grande partie sur deux personnes, ce qui est toujours inquiétant, étant donné que ces personnes, tôt ou tard, quitteront la scène politique. Des élections devraient avoir lieu au Nigeria avant longtemps. L'engagement à l'égard du NPDA doit donc être étendu à une plus grande partie de l'Afrique.

Les dirigeants africains ont offert de projets innovateurs depuis le plan du Lagos dans les années 80s. Les chefs des pays qui se sont signalés récemment doivent êtres invités à participer plus activement à ces pourparlers, Mbeki et Obasanjo. La communauté africaine francophone, en particulier, doit être incitée à jouer un rôle plus actif. Pour ma part, je suis enthousiaste du fait que le NPDA est issu de l'Afrique, qu'il n'est pas le produit des institutions financières internationales - du G7 ou des Nations Unies - mais qu'il constitue réellement une initiative africaine tenant compte de la nécessité pour les deux parties de remplir leurs obligations. L'évolution de l'organisation des états africains en l'union africaine en 2001 signale une nouvelle unité qui porte bien sur l'avenir du NPDA.

L'aide n'est pas réclamée comme s'il s'agissait d'un droit absolu ; elle est sollicitée en échange de changements politiques, que les Africains entreprendront librement. Il s'agit, à mon avis, d'un projet très prometteur qui enthousiasme mes collègues africains. Et, lorsque je me rends en Afrique je me rends compte qu'en dépit du très grand cynisme affiché par les populations à l'égard des donateurs - de leurs intentions et des résultats qu'ils obtiennent - le fait que les Africains peuvent proposer leur propre programme les remplit de fierté et d'optimisme.

Questions à débattre

1. D'après vous, quels sont des moyens de rendre l'aide au développement plus efficace?

2. Le NPDA signale un changement dans le focus du G8 de la conditionnalité sur des reformes de la politique à des reformes institutionnels. À la fois, NPDA insiste que l'investissement étranger devrait être au centre du procès de développement. Les critiques disent que ce genre d'investissement nui à la souverainiste et réduit la capacité de l'état Qu'en pensez vous? Est-ce que le développement de la bonne gouvernance va à l'encontre d'investissement libre? Quels problèmes pouvez-vous identifier et quels peuvent être quelques solutions?

3. Après les événements à Zimbabwe, l'enthousiasme pour le système d'évaluation entre pairs proposé par NPDA a augmenté. Cependant, les efforts de Mbeki de suspendre Zimbabwe du Commonwealth ont été, d'après quelques critiques, des actions unilatérales. Est-ce que l'Afrique du Sud montre le chemin pour l'évaluation entre pairs, ou est-ce que leurs actions démontrent une inégalité de pouvoir sur le continent? Croyez vous que l'évaluation entre pays africains est un outil efficace?