G8 Information Centre, Online Lectures 2002

Revised Tuesday, 16-Dec-2003 12:34:01 EST English | Commentaires | Contactez-nous | Centre d'information sur le G8

20. Prevention des conflits, Mamoudou Gazibo

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Questions à débattre / Exercise
Biographie de l'instructeur

Bonjour. Mon nom est Mamoudou Gazibo et je suis professeur au département de science politique de l'Université de Montréal.

Dans cette leçon intitulée " Prévention des conflits ", nous allons nous intéresser aux tentatives récentes du G8 pour trouver des moyens de prévenir les conflits qui menacent la sécurité dans diverses régions du monde, plutôt que de se limiter à intervenir après leur éclatement, en partie en s'attaquant aux causes sous-jacentes et en mettant l'accent sur la sécurité des personnes et des États.

De nombreux observateurs doutent que le G8, ou toute autre institution internationale, puisse prévoir et prévenir les conflits avant qu'ils n'éclatent, changer les conditions qui sont à l'origine de ces conflits et garantir la sécurité des personnes dans des États souverains différents et très éloignés. Transposant à la politique le modèle du " faux consensus ", ces sceptiques estiment que la fin de la guerre froide et la progression effrénée de la mondialisation contribuent à la création d'" États avortons ", tourmentés par la guerre civile et des conflits incessants, qui sont incapables, tout comme les gouvernements voisins, d'assurer la sécurité. S'inspirant du modèle axé sur le leadership américain ou du modèle institutionnaliste démocratique, d'autres considèrent qu'il n'est possible et utile de prévenir les conflits que si les États-Unis s'y engagent résolument ou si cette action est menée par les institutions multiculturelles, polyvalentes et universelles des Nations Unies. D'autres encore doutent que la puissance militaire américaine ou les concepts classiques de sécurité internationale établis au moment de la création du Conseil de sécurité des Nations Unies en 1945 puissent permettre de prévenir efficacement les conflits et d'assurer la sécurité des personnes dans le monde très différent d'aujourd'hui. Suivant le modèle du concert fondé sur l'égalité, ils croient que le G8, sous l'impulsion des puissances civiles que sont l'Allemagne, le Japon, l'Italie et le Canada, possède les ressources nécessaires pour établir les conditions de la paix même dans les régions les plus troublées du monde.

Dans cet exposé, j'affirme que les premières tentatives du G8 pour s'attaquer au problème crucial de la prévention des conflits sont encourageantes, même s'il est encore trop tôt pour dire avec certitude si elles permettront effectivement d'obtenir des résultats concrets. Depuis qu'il s'est attelé à la tâche en 1999, le G8 a défini de nouveaux principes, établi un programme ambitieux et pris des mesures concrètes par rapport à des questions vitales, allant jusqu'à s'attaquer aux causes des conflits en coordonnant une action internationale concertée. Il est même parvenu à prévenir l'éclatement d'un conflit à Chypre, où une situation explosive existe depuis longtemps, et dans la nouvelle poudrière des Balkans. Mais il est certain qu'il reste encore beaucoup à faire, que le G8 est réellement en mesure de le faire et que le besoin s'en fait sentir actuellement, si l'on veut mettre un terme de façon définitive aux conflits enracinés dans le terrorisme qui sévissent au Moyen-Orient et en Afghanistan. À la fin de mon exposé, je formulerai certaines recommandations qui pourraient permettre de renforcer le rôle du G8 dans la prévention des conflits.

A. Les succès du G8 en matière de prévention des conflits

Il y a longtemps que la prévention des conflits internationaux se trouve au centre des préoccupations des institutions internationales, qu'il s'agisse des Nations Unies et de leurs efforts pour assurer la sécurité collective, ou encore de l'Organisation de traitie de l'Atlantique du Nord (OTAN) et de l'importance qu'elle accorde à la dissuasion nucléaire. Mais les institutions internationales traditionnelles n'étaient absolument pas en mesure de prévenir les conflits engendrés par la fin de la guerre froide et la mondialisation effrénée. Ces conflits prennent souvent naissance dans des " États avortons " comme l'ex-Yougoslavie, la Somalie ou l'Afghanistan, où le gouvernement national, en dépit de sa souveraineté officielle, ne peut même pas garantir la sécurité des citoyens et les protéger contre l'usage de la force au sein de l'État. En fait, aux prises avec des guerres civiles, des mouvements sécessionnistes et des interventions militaires des pays voisins, c'est souvent ce gouvernement en difficulté dont la légitimité est douteuse qui constitue la plus grande menace pour la vie des citoyens. Toutefois, étant donné que les institutions internationales traditionnelles ont été créées pour prévenir ou réprimer les conflits internationaux, et qu'elles sont obnubilées par le sacro-saint principe selon lequel le droit à la souveraineté d'un État et la non-ingérence dans les affaires intérieures sont plus importants que le droit et l'obligation de la communauté internationale d'intervenir dans les situations de conflit interne et de violation généralisée des droits de la personne, il s'avère difficile pour ces institutions de faire face aux conflits de l'époque actuelle.

En tant qu'institution internationale conçue pour favoriser l'épanouissement des libertés individuelles et le progrès social, et intervenir à cette fin dans les affaires internes d'États souverains, le G8 est en mesure par sa structure même de s'attaquer justement au nouveau type de danger qui menace la sécurité. Il s'est attelé à la tâche au milieu des années 90 après que les Nations Unies eurent échoué lamentablement dans leur tentative d'empêcher le génocide dans l'ex-Yougoslavie et dans la région des Grands Lacs d'Afrique centrale, et y eurent peut-être même contribué bien involontairement. Au Sommet d'Halifax en 1995, le Canada a insisté sur la nécessité de réformer le système des Nations Unies, s'interrogeant sur la façon dont cette organisation pourrait être renforcée afin de prévenir ce nouveau genre de conflits meurtriers qui se multiplient depuis la fin de la guerre froide.

Cependant, aucune suite n'a été donnée à cette initiative au cours des sommets suivants organisés par les membres du G8 qui possèdent également un droit de veto au Conseil de sécurité des Nations Unies, à savoir la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Il a fallu attendre les sommets de 1999, 2000 et 2001 en Allemagne, au Japon et en Italie pour que la prévention des conflits figure de façon permanente à l'ordre du jour du G8 et que des moyens d'action soient définis pour prévenir directement les conflits au lieu de passer par les Nations Unies qui se sont avérées réfractaires aux tentatives de réforme.

Stimulé par ses succès qui lui ont permis d'empêcher le génocide au Kosovo au printemps de 1999, le G8 à Cologne a demandé aux ministres des affaires étrangères des pays membres de se réunir à Berlin en 1999 pour discuter pour la première fois de la prévention des conflits. Au cours de cette réunion ministérielle, il a été question de la nécessité d'établir une culture de la prévention, de nouveaux principes ont été définis et un vaste plan d'action a été élaboré. L'année suivante, au cours de la réunion habituelle précédant le sommet, à Miyazaki au Japon, les ministres des affaires étrangères du G8 ont convenu de prendre des mesures concrètes par rapport à plusieurs questions importantes, notamment les diamants de la guerre, les enfants victimes des conflits, les conflits dans les pays en développement et la police civile. Un examen attentif confirme que la plupart des membres ont déployé des efforts considérables au cours de l'année qui a suivi pour mettre en oeuvre ces mesures concrètes et novatrices. Au cours de la rencontre ayant précédé le sommet suivant, à Rome en juillet 2001, les ministres des affaires étrangères ont évalué les résultats obtenus par les membres du G8 en matière de prévention des conflits, ajoutant d'autres éléments à leur programme, relatifs entre autres à l'analyse du rôle que peuvent jouer les multinationales dans la prévention ou l'intensification des conflits et à la nécessité d'examiner le lien qui existe entre les sexes et la prévention des conflits.

B. Apport futur du G8 en matière de prévention des conflits : possibilités et propositions

À l'approche du sommet de Kananaskis et de la réunion des ministres des finances du G8 qui le précédera à Whistler, en Colombie-Britannique les 12 et 13 juin prochains, que pourrait et devrait faire le G8 cette année pour faire progresser la cause de la prévention des conflits? Si l'on examine les réponses possibles à cette question, on peut constater que les pays du G8 seront peut-être trop occupés cette année à gérer les crises qui font rage au Moyen-Orient et la guerre au terrorisme pour avoir le temps d'adopter de nouvelles initiatives dynamiques concernant la prévention des conflits et la sécurité humaine. Autrement, si ces réunions peuvent aider à régler la crise au Moyen-Orient et à éliminer le réseau Al-Qaeda ainsi que les autres organismes du genre, les pays du G8 devront peut-être empêcher l'émergence de nouveaux viviers de terrorisme mondial et, par le fait même, aborder la prévention des conflits de façon plus audacieuse et plus créative que jamais.

Il y a évidemment plusieurs choses que le G8 pourrait et devrait ajouter à son programme d'action actuel. On espère que ces recommandations aideront le G8 à mettre en pratique leurs bonnes intentions dans le cadre de ses engagements liés à la prévention des conflits. J'ai ici les recommandations concernant les rapports entre les sexes et la responsabilité sociale des grandes entreprises. Ces recommandations se divisent en deux parties : innovation et renouveau. Les recommandations portant sur l'innovation sont celles qui obligent les pays du G8 à " faire quelque chose de nouveau ", à élaborer de nouvelles initiatives ou à encourager de nouvelles idées qui renforceront l'engagement du G8 en matière de prévention des conflits. Les recommandations portant sur le renouveau sont celles qui font appel au G8 pour " faire quelque chose de meilleur " et approfondir les engagements antérieurs en matière de prévention des conflits.

Prévention des conflits et rapports entre les sexes

Le premier ensemble de recommandations a trait au lien qui existe entre les rapports hommes-femmes et la prévention des conflits. On peut distinguer deux grands débats qui entourent le travail des spécialistes oeuvrant dans le domaine des rapports entre les sexes et de la prévention des conflits. D'une part, certains auteurs et organismes mettent l'accent sur l'apport potentiel des femmes aux conflits et à leur prévention. Bon nombre d'entre eux estiment que le fait de tenir compte des opinions et des possibilités des femmes permettra de mieux prévenir les conflits et de bâtir une société plus juste et plus pacifique. D'autre part, d'autres auteurs envisagent de façon plus globale l'incidence de la prévention des conflits et des initiatives de reconstruction postérieures aux conflits sur les conditions de vie des femmes ainsi que sur les rapports entre les sexes. D'après ces deux visions de la relation qui existe entre le sexe et la prévention des conflits, je peux formuler les recommandations suivantes :

Pour ce qui est du renouveau de ses engagements actuels, le G8 peut continuer de mettre l'accent sur l'importance de la participation systématique des femmes à la prévention et au règlement des conflits ainsi qu'à la reconstruction subséquente, et il peut également s'assurer que les femmes participent entièrement et équitablement à toutes les phases du processus. Les membres du G8 doivent concevoir leurs projets en consultation et en concertation avec les femmes des divers pays afin de déterminer leurs besoins et leurs possibilités.

Pour ce qui est des recommandations portant sur l'innovation, les membres du G8 doivent élaborer des façons efficaces d'analyser l'incidence de leurs politiques et programmes relatifs à la paix et à la sécurité sur la vie des femmes, ainsi que la dynamique des rapports entre les sexes. Pour ce faire, ils doivent comprendre de quelle façon leurs initiatives affectent le bien-être des femmes et des filles de tous âges et dans quelle mesure elles répondent à leurs besoins et à leurs préoccupations.

Prévention des conflits et responsabilité sociale des grandes entreprises Le deuxième ensemble de recommandations a trait à la responsabilité sociale des grandes entreprises et à la prévention des conflits. On débat constamment du rôle des multinationales qui font des affaires dans des zones de conflits potentiels ou réels. D'une part, on retrouve certains organismes non gouvernementaux tels que Human Rights Watch, Global Witness et Partenariat Afrique-Canada, qui ont lancé des campagnes actives qui présentent le lien existant entre les activités commerciales et l'aggravation ou le maintien des conflits dans les régions instables. D'autres sont d'avis que les multinationales peuvent jouer, et jouent déjà, un rôle positif dans l'atténuation de la violence et la prévention des conflits. Je crois que les entreprises qui font des affaires dans les zones de conflit peuvent, intentionnellement on non, attiser la violence. Dans cette optique, je présente les recommandations suivantes au G8. D'abord, le G8 peut élaborer un ensemble de règles juridiques applicables aux activités des grandes entreprises qui font déjà des affaires dans des zones devenues instables pendant qu'elles y ont investi des capitaux. Ces règles peuvent s'inspirer des principes volontaires formulés par le Royaume-Uni et les États-Unis concernant les entreprises qui font des affaires dans les zones de conflit. Enfin, le G8 peut encourager ses membres à dissuader activement les entreprises d'engager des frais d'établissement dans des zones de conflit en élaborant des lois qui obligent les pays signataires à délégaliser toute violation commise par les entreprises qui sont établies à l'intérieur de leurs frontières.

Conclusions

Bien que la prévention des conflits ait suscité un intérêt soutenu chez les membres du G8 au cours des dernières années, il est important de noter qu'il reste d'imposants défis à relever. Je ne me suis contenté que de quelques recommandations. Par contre, il sera intéressant de voir si le sommet de Kananaskis de cette année sera le théâtre de progrès significatifs dans ces dossiers ainsi que dans d'autres secteurs critiques de la prévention des conflits.

Note: Cete conférence a été préparée avec la collaboration de Kristiana Powell.

Références

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Questions à débattre

  1. Pourquoi le Canada, l'Allemagne, le Japon et l'Italie, au sein du G8, sont si enthousiastes quant à l'importance du rôle que joue le G8 en matière de prévention des conflits?

  2. Quelles autres propositions, en plus de celles qui ont été présentées ci-dessus, le G8 pourrait-il adopter et mettre en oeuvre de façon pratique et réaliste afin de faire avancer la cause de la prévention des conflits et de la sécurité humaine?

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