[G7 Summit --
Versailles, June 4-6, 1982]


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Propositions pour un développement concerté de l'économie mondiale

Et maintenant que faire? Je souhaite que nous réfléchissions à un ensemble de mesures capables de mettre en oeuvre rapidement, chez chacun d'entre nous et en commun, les principes que je viens d'exposer.

Non que je vous demande d'en décider aujourd'hui; mais qu'au moins on puisse lancer, dans l'année qui vient, l'indispensable action commune.

Sans cela, chacun se repliera sur lui, les batailles commerciales s'aggraveront, les protectionnismes s'installeront. Nul n'y gagnera rien.

Le passé prouve la réalité de ces dangers. Lors de chacune des deux précédentes révolutions industrielles que l'Occident a connues, on a assisté dans un premier temps à la montée du chômage, du protectionnisme et de l'inflation.

Puis, en un second temps, dans les pays les mieux préparés, les forces sociales du changement l'ont emporté, la croissance et la stabilité sont revenues, les investissements ont repris.

Nous risquons aujourd'hui, si l'on n'y prend garde, d'assister à la même succession d'événements: la nouvelle révolution industrielle a commencé d'aggraver le chômage, l'inflation, les difficultés financières et les inégalités. Cela durera longtemps si nous ne décidons d'y mettre un terme.

Aucun de nous, malgré les différences de point de vue qui nous séparent, ne peut s'y résigner. Tous, avons le devoir de faire en sorte que la transition s'achève au plus tôt. Nous en avons les moyens car nous pouvons prévoir, organiser le changement, coordonner les mutations. C'est pourquoi j'ai tenu à aborder avec vous ce sujet.

Je vous propose:

de lancer un programme concerté de croissance sélective par la technologie;

d'accorder une priorité commune à l'emploi et aux conditions de travail;

de favoriser ensemble l'épanouissement des cultures.

Première proposition: lancer un programme concerté de croissance par la technologie

Six grandes orientations constitueront une voie assez large pour que nous puissions nous y engager:

(1) Des objectifs globaux: les fixer en pourcentage du PNB pour 1985 et 1990 et échanger nos vues sur les politiques nationales de recherchedéveloppement en complétant au besoin par des objectifs sectoriels et en tirant parti des travaux déjà entrepris dans les institutions internationales, notamment l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économique].

(2) Des actions prioritaires de coopération technologique entre firmes privées et publiques et entre nations. Et ce dans les domaines suivants nécessitant de forts investissements de départ: énergies nouvelles, télécommunications, robotique, nouveaux matériaux, matériaux composites, électronique, intelligence artificielle, espace, biotechnologies, technologies agricoles plus particulièrement destinées au Tiers Monde.

Un comité de développement pour chaque projet retenu, pourrait être mis en place. Il comprendrait les organismes concernés des pays participants. Un effort minimum d'investissement par pays serait fixé.

(3) L'innovation: l'accélérer sous toutes ses formes en mettant au point les procédures utiles. Faciliter la création de nouvelles entreprises, la coopération entre les firmes des différents pays et définir les politiques communes contre les pratiques monopolistiques et les obstacles à la concurrence.

(4) Création progressive d'un marché mondial de technologie (normes, brevets).

(5) Initiatives conjointes pour assurer aux pays du Sud la maîtrise des nouvelles technologies. Accroissement de la recherchedéveloppement dans les domaines intéressant particulièrement ces pays, essentiellement l'éducation, la formation, l'alimentation et la santé dans le cadre d'accords de codéveloppement; création de centres de recherches et promotion des échanges de chercheurs; croissance des énergies nationales par des organismes spécialisés au sein de la Banque mondiale. On accélérera enfin la mise en oeuvre des orientations définies par la conférence des Nations unies pour la science, la technique et le développement.

(6) Enfin, il conviendra, aussi vite que possible, de stabiliser le système monétaire international dont l'imprévisibilité freine les investissements. Pour cela il faut rechercher les voies et les moyens d'un renforcement de la coopération monétaire équilibrée entre les trois pôles européen, américain et japonais dans la perspective d'un retour à des taux de change stables et économiquement corrects.

La préparation de ce programme pourrait s'inspirer des méthodes utilisées dans diverses formules de coopération: réseaux de centres de recherches pour une large diffusion de l'information (météorologie, environnement, océanographie), établissement de règles et de normes communes, actions bilatérales dans le cadre d'un programme multilatéral (programme international de développement des télécommunications, programme météorologique mondial), formules de projet (programmes scientifiques de l'Unesco).

Deuxième proposition: mettre la technologie au service de l'emploi et des conditions de travail

1. Mettre en place un vaste dispositif de formation, pour la mutation des emplois dont j'ai parlé pour accélérer la transition de la révolution industrielle. A cette fin:

organiser dès 1983, dans chacun de nos pays, avec les méthodes propres à chacun, un dispositif spécifique de formation aux nouvelles technologies telles l'informatique, la biologie, et les métiers nouveaux (télécommunications, sciences de la vie, ingenierie, loisirs) selon les trois axes suivants:

priorité à la formation des ingénieurs et des techniciens;

action de formation des jeunes chômeurs de 16 à 18 ans;

action de conversion aux nouvelles technologies des travailleurs en cours de carrière;

demander à l'OCDE de préparer dans les six prochains mois un programme spécial d'échanges et de coopération en matière de méthode de formation et de conversion;

demander à l'OIT [Organisation internationale du travail] de mettre en place un observatoire afin de suivre l'évolution des métiers concernés par les nouvelles technologies.

2. Il faut également tirer parti des nouvelles technologies pour améliorer les conditions de travail et de vie. Je vous suggère de:

développer la coopération et la recherche sur l'organisation du travail, les conditions de travail liées aux nouvelles technologies, et les effets des nouvelles technologies sur la durée du travail et sur sa possible réduction;

établir avant le prochain sommet un programme d'évaluation des expériences positives et négatives menées dans les villes et des effets sur le mode de vie urbain de changements technologiques tels le câblage, les nouveaux modes de transport et d'habitat.

Troisième proposition: favoriser ensemble l'épanouissement des cultures, sur trois thèmes:

1. L'école.

Peu à peu, la révolution de l'informatique remonte aux sources de l'éducation aux premières années de la vie scolaire. Nos systèmes d'enseignement, tout en gardant les traditions qui leur sont propres, vont s'en trouver profondément bouleversés avec des menaces et des espérances. Pour mieux faire face à ces transformations il conviendra de:

mener un effort conjoint en vue de définir les systèmes d'enseignement adaptés à chaque pays et de réfléchir ensemble aux moyens par lesquels nos systèmes scolaires seront en harmonie avec leur environnement;

élaborer au niveau mondial une famille de langages informatiques simples;

agir conjointement pour développer l'usage de l'ordinateur à l'école afin de former très vite les jeunes aux objets de leur vie quotidienne de demain et aux exigences de leur métier futur.

2. Les communications et les langages.

Le développement de l'enseignement et de la recherche dans le domaine des langues et de la communication est indispensable pour résister au puissant mouvement d'uniformisation que j'ai évoqué. Nous pourrions:

instituer au sein de l'Université des Nations unies un réseau mondial reliant tous les centres d'enseignement de formation et de recherche consacrés aux langues et à la communication. Ce réseau faciliterait le développement, dans les divers pays intéressés, des actions suivantes: l'étude des langues, le rôle des langues nationales dans la diffusion des technologies, les lexiques multilingues sur ordinateurs, les programmes de traduction automatique pour les langues autres que les langues principales, la formation de spécialistes de la communication;

lancer une grande encyclopédie de toutes les cultures du monde. On peut aujourd'hui envisager de créer des outils de diffusion à grande échelle des cultures fussentelles très locales; chaque nation recueillant en son sein ce qui lui semble être l'essence de son (ou de ses) identité(s) culturelle(s); les moyens de diffusion seraient, outre les livres:

un ou plusieurs satellites, placés sous contrôle de l'Unesco, offrant une diffusion régionale d'émission TV;

un grand centre informatique, par exemple celui de l'Agence spatiale européenne, qui pourrait être le serveur d'une base de données bibliographique interrogeable sur les grands réseaux télématiques mondiaux.

3. Une charte de la communication.

Je pense qu'une négociation devrait être menée par étapes, dans les instances internationales, en vue de préparer une charte mondiale de la communication aujourd'hui si difficile. Elle pourrait s'organiser autour de cinq principes:

affirmer le respect de la diversité des langues;

promouvoir l'harmonisation des législations en matière d'information, de propriété intellectuelle, de droit contractuel, de protection des libertés individuelles;

inciter à la détermination de règles communes pour les échanges internationaux de données;

protéger la souveraineté des Etats et leur intégrité culturelle menacée par les nouvelles technologies;

garantir aux pays du Sud les moyens de maîtriser leurs moyens de communications et les messages qu'ils véhiculent.

4. Une exposition mondiale .

Il s'agit d'illustrer le rôle du développement technologique comme facteur de rapprochement entre les peuples.

La France serait prête à organiser cette exposition en 1989.

Il me reste, avant de conclure, à préciser les conditions de la mise en oeuvre concertée des propositions que je viens de vous présenter:

un groupe de travail de huit personnalités créé par nous dès le lendemain de ce sommet recevrait pour mission de dégager quelques priorités en s'inspirant des propositions contenues dans le présent rapport de votre discussion.

Ce groupe travaillerait en consultation avec les institutions internationales compétentes, notamment l'OCDE, et présenterait son rapport avant le 31 décembre.

Les conclusions du rapport et les actions qui en résulteraient seraient examinées au prochain sommet des pays industrialisés qui se tiendra en 1983 aux EtatsUnis d'Amérique.

Si nous réussissons, par notre action commune, à entreprendre ces projets, auronsnous résolu les problèmes que nos sociétés affrontent? Assurément non: le progrès technique n'assure pas, par luimême, le progrès économique et le progrès social. Il ne peut qu'y concourir, dans les sociétés qui sauront le mettre au service d'une volonté politique.

Il restera bien du chemin à faire, pour rétablir une croissance équilibrée et juste, pour en finir avec toutes les formes de misère et de servitude: il nous faudra reconstruire un système monétaire stable, procurer aux entreprises les moyens d'un financement peu coûteux, imaginer des rapports économiques et politiques équitables entre les continents, éliminer tous les obstacles au commerce. Il nous faudra enfin, et c'est l'essentiel, permettre à chaque homme d'utiliser librement le temps que le progrès dégagera.

Nous aurons alors rempli notre rôle de gouvernants.

Chacun aura ensuite plus de moyens matériels à sa disposition pour vivre à sa façon la condition humaine. Avec ce qu'elle a de limité et d'exaltant, d'inachevé et de grandiose, de fugitif et d'éternel.

Nous aurons seulement, pour ce qui nous concerne, en prenant à bras le corps les problèmes qui nous assaillent et en accélérant leurs solutions, assuré à nos nations l'essentiel: la confiance en ellesmêmes.


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Revised: February 09, 2007.

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