G8 Information Centre, Online Lectures 2002

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5. Favoriser la coopération au sein du G8, Philippe Faucher

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Biographie de l'instructeur

Bonjour. Mon nom est Philippe Faucher et je suis professeur au département de science politique de l'Université de Montréal.

Au cours de cet exposé, nous examinerons comment les puissances du G8 en viennent à conclure des ententes, couronnées de succès à certains moments et qualifiées de grands échecs à d'autres.

Chaque jour, les leaders nationaux, leurs ministres et représentants se réunissent à l'extérieur comme à l'intérieur des institutions internationales, pour trouver un terrain d'entente sur des questions découlant des échanges qui se déroulent dans une économie de plus en plus planétaire. Parfois, leurs discussions en tête-à-tête jouent un rôle clé dans l'établissement de rapports favorisant la confiance mutuelle et l'échange d'informations; de plus, ces rencontres contribuent à éviter les malentendus susceptibles de mener à des conflits inutiles et coûteux et favorisent le partage d'expériences, que les participants peuvent ensuite mettre à profit dans leur pays. À l'occasion, de telles réunions peuvent mener à un consensus sur de nouveaux principes et de nouvelles normes qui, même s'ils ne sont pas immédiatement suivis d'actions concrètes et mis en oeuvre, risquent de se propager et de servir de base pour l'adoption future de mesures plus concrètes. À d'autres moments, quoique plus rares, ces réunions peuvent même donner lieu à des engagements collectifs bien définis, mesurables et répondant aux défis actuels.

Dans quelles conditions les institutions internationales, en général, et les sommets du G8, en particulier, permettent-ils aux représentants nationaux d'aller au-delà des discussions, et d'établir des orientations normatives qui permettent de prendre des décisions difficiles aux résultats tangibles?

Les opinions à cet égard, influencées par la théorie des relations internationales, varient grandement; commençons par celles sur la coopération en général:

  • Les analystes de la politique internationale dits réalistes prétendent que tous les pays, surtout les superpuissances, défendent jalousement leurs propres intérêts et mettent tout en oeuvre pour empêcher les autres pays de progresser, et par conséquent, n'en viennent presque jamais à conclure des ententes collectives, peu importe les institutions internationales employées.

  • D'autres analystes de la même catégorie estiment que nous vivons dans un monde où le pouvoir relatif et les rivalités entre nations dominent, mais ils prétendent, paradoxalement, que ce n'est que lorsqu'un seul pays hégémonique est beaucoup plus puissant que les autres qu'il peut y a voir un leadership autour duquel les autres se rassembleront.

  • En revanche, les institutionalistes affirment que des institutions internationales fortes peuvent freiner les rivalités entre nations et favoriser la coopération, surtout si ces institutions possèdent des chartes officielles définissant des obligations précises, et d'importantes bureaucraties qui contribuent à la conclusion d'ententes et assurent leur mise en oeuvre.

  • Enfin, les analystes constructivistes soutiennent plutôt que les forces sociétales, présentes dans une économie de plus en plus planétaire, bousculent les politiques gouvernementales de contrôle de la compétition, obligeant les leaders de même que les pays les plus puissants à redéfinir leurs intérêts et leurs identités.

On constate donc qu'il y a place à un débat intéressant parmi ceux cherchant à savoir pourquoi et à quel moment les rencontres du G8 favorisent la coopération. Voici quelques pistes d'analyse empruntées:

  • Les partisans d'un modèle dit de concertation démocratique prétendent que c'est en rassemblant les grandes puissances, possédant des capacités similaires et accordant la même importance aux valeurs démocratiques, en un groupe dirigé par des leaders élus, que les rencontres du G8 pourront donner lieu à d'importantes réalisations en matière de coopération grâce à un processus d'adaptation mutuelle des participants.

  • D'autres soutiennent que les États-Unis demeurent la puissance hégémonique qu'ils étaient en 1945, du moins à ce point plus puissants que les autres membres que la coopération n'est possible qu'en présence d'un leadership américain et d'un autre membre influent qui apporte son appui.

  • D'autres préconisent un modèle d'institutionnalisme démocratique, selon lequel la coopération des membres du G8 n'est possible que lorsque les gouvernements membres possèdent des administrations fortes à l'intérieur de leurs bureaucraties, ainsi que des institutions consacrées aux rencontres du G8 qui s'occupent de sujets précis et contrôlent les organisations multilatérales les plus touchées par ces sujets.

  • Enfin, les partisans du modèle de faux consensus prétendent que les échecs des rencontres du G8 s'expliquent par le fait que même les leaders des pays les plus puissants ont tous redéfini leurs intérêts et leurs identités en fonction des forces du marché, jugeant que plus aucun contrôle sur elles n'était possible en cette période de mondialisation rapide.

Quel modèle permet le mieux d'illustrer pourquoi et à quel moment les rencontres du G8 parviennent à la coopération? J'argumenterai en faveur d'une version adaptée du modèle de concertation démocratique. La coopération découlant des rencontres du G8 s'est améliorée pendant les années 90 alors que la Russie, grande puissance de plus en plus démocratique, a été admise progressivement au sein du G8, jusqu'à en devenir un membre à part entière en 1998.

La coopération s'opère d'abord dans les domaines de l'énergie et du commerce, où les membres plus faibles possèdent à peu près les mêmes capacités que les États-Unis. Elle se fait plutôt rare, toutefois, en ce qui concerne les questions de sécurité régionale au Moyen-Orient, où la présence et les intérêts des États-Unis prédominent. Cependant, la vague actuelle de mondialisation rapide nous porte à modifier le modèle de concertation de base pour y ajouter un nouvel élément, celui de la vulnérabilité. La mondialisation fait en sorte que même les membres les plus puissants du G8 sont davantage sur la même échelle par rapport à leur vulnérabilité aux intrusions, les rendant davantage dépendants de la coopération des autres membres pour atteindre leurs objectifs dans cette nouvelle ère complexe et ponctuée d'incertitudes. L'attaque terroriste du 11 septembre dernier a démontré à quel point une puissance autrefois hégémonique est devenue vulnérable.

A. Mesure de la coopération à l'intérieur du G8

Il existe plusieurs moyens de mesurer les résultats en matière de coopération d'un sommet du G8, lequel constitue l'aboutissement d'un vaste processus de préparatifs et de suivis à l'échelle ministérielle et supérieure. La méthode la plus simple, élaborée par des universitaires spécialistes des questions relatives au sommet, comme le professeur Robert Putnam de l'université Harvard et Sir Nicholas Bayne de la London School of Economics and Political Science, consiste à accorder une note à chaque sommet en fonction d'une évaluation globale des grandes ententes conclues. Une autre méthode, élaborée par les professeurs George von Furstenberg et Joseph Daniels, et peaufinée par Ella Kokotsis, consiste à dénombrer les engagements précis et mesurables, contenus dans les communiqués émis par les dirigeants lors de l'événement annuel. D'autres méthodes indiquent de prendre note, à la fin de chaque sommet, des évaluations, jugements et commentaires parus dans les grands journaux, et exprimés par les dirigeants ou les sherpas une fois qu'ils se sont retirés de la vie publique.

Peu importe la méthode utilisée, nous pouvons en venir à une seule grande conclusion quant à l'évolution de la coopération. Le niveau de coopération parmi les membres était relativement élevé lors des premiers sommets des années 70. Ce niveau a diminué au cours des années 80, puis, de la fin des années 80 au début du XXIe siècle, ce niveau s'est à nouveau montré élevé. À preuve, les sommets des dernières années ont permis de conclure quatre fois plus d'engagements que durant ceux des années 70. Ce fut le cas en particulier au sommet d'Okinawa de 2000, où un nombre record d'engagements a été enregistré, soit un total de 169.

De tels engagements et les grandes réalisations de chaque sommet portent bien souvent sur un grand nombre de problèmes. Il y a cependant toujours eu une tendance à coopérer davantage autour de certains thèmes, selon les préoccupations prioritaires de chaque époque. Le développement des pays du tiers-monde est de loin la question le plus souvent abordée au cours des dernières années, tout particulièrement depuis 1996. Les échanges et l'économie mondiale ont aussi fait l'objet de nombreuses résolutions, quoique l'économie mondiale ait occupé une place moins importante dans les dernières années. La question de l'énergie a dominé entre 1975 et 1981, pour ensuite céder sa place à celle du terrorisme, du crime organisé et des drogues depuis les années 90. Depuis le début du troisième cycle, soit en 1989, les priorités ont été l'environnement, la sécurité nucléaire et le contrôle des armes. Le quatrième cycle de discussions enfin, qui a débuté en 1996, touche au développement des pays pauvres, à l'allégement du fardeau de leur dette, à la technologie de l'information et des communications ainsi qu'à la santé.

B. Fonctionnement de la coopération au sein du G8

Ces tendances démontrent que les sommets peuvent constituer de bons moyens pour favoriser la coopération sur des questions touchant à un grand nombre de problèmes dans le monde. Comment fait-on cependant pour expliquer les résultats de chaque sommet et des activités du sommet dans leur ensemble? Les observations montrent qu'un modèle de concertation égalitaire démocratique, qui tienne compte de la vulnérabilité engendrée par les forces de la mondialisation, nous offre une explication satisfaisante.

En premier lieu, la plupart des membres, non seulement les États-Unis, ont tenu des sommets couronnés de succès; la France s'est particulièrement démarquée. En deuxième lieu, le niveau de coopération a chuté au début des années 80, au moment où l'économie américaine était en plein essor et où le dollar américain faisait une montée spectaculaire, ayant pour effet de rendre aux États-Unis la place de puissance hégémonique qu'ils avaient occupée au cours des années 70. La question qui se pose est de savoir pourquoi le niveau de coopération du sommet du G8 a de nouveau augmenté à partir des années 90, et ce, à certains égards, à des niveaux inégalés, alors que la croissance des États-Unis surpassait celle de plusieurs des autres membres. En 1989, la nouvelle Russie s'est jointe au sommet, diminuant ainsi l'importance relative des États-Unis au sein du groupe et renforçant le lien démocratique fondamental. Ajouté à cela qu'avec la vague de mondialisation, chaque membre est devenu plus vulnérable aux crises économiques mondiales, à la pollution transnationale, au crime tentaculaire, aux maladies et au terrorisme planétaire, tant de phénomènes accélérés par la mondialisation. C'est pourquoi les membres du G8 se sont penchés plus particulièrement sur cette question (la mondialisation) à partir du sommet de 1996, à Lyon.

Ces constats, contribuant à démentir la théorie de l'hégémonie, sont évidents si nous considérons les succès et les échecs des sommets en matière de coopération relativement à différentes questions. Plusieurs des sommets les plus réussis ont été marqués par le leadership des membres moins puissants - tel que l'initiative de l'Allemagne et du Canada dans la lutte contre le terrorisme au sommet de Bonn en 1978. L'importance accordée au développement nord-sud a été soutenue par le Japon et la France, et non pas les États-Unis. La même chose s'est produite dans le domaine du commerce, où les membres du sommet étaient sur un pied d'égalité par rapport à leur part du commerce mondial et à la vulnérabilité de leur économie entraînée par les courants de la mondialisation.

Cette combinaison, d'une part de capacités équivalentes et d'autre part de vulnérabilité commune, favorisant la prise de décision lors des sommets, était évidente lors des débats sur l'énergie. Les stocks de pétrole, d'uranium et d'autres matières servant à produire de l'énergie du Canada, de la Grande-Bretagne ainsi que la Russie représentaient précisément les assurances et garanties dont avaient besoin les États-Unis, pays dépendant du pétrole, et ce surtout lors des crises du pétrole de 1973 et de 1979 et des petites fluctuations économiques des années 1990.

Étant donné que tous les membres du sommet ont atteint un pied d'égalité par rapport à la capacité et à la vulnérabilité, les succès en matière de coopération se sont étendus à de nouveaux problèmes, ce qui pourrait assurer aux réunions du G8 une plus grande pertinence et des perspectives de succès plus significatives pour l'avenir.

Note : Cette conférence a été préparée en collaboration avec John Kirton.

Références

Dallaire, Sebastian " Continuity and Change in the Global Monetary Order ", p. 95 à 112 dans John Kirton et George von Furstenberg (éditeurs), New Directions in Global Economic Governance : Managing Globalization in the Twenty-First Century (Ashgate : Aldershot), 2001.

Friedman, Thomas, The Lexus and the Olive Tree (Farrar Straus & Giroux : New York), 1999.

Gill, Stephen, " Structural Changes in Multilateralsm : The G7 Nexus and the Global Crisis ", dans Michael Schechter (éditeur), Innovation in Multilateralism (St. Martin's Press : New York), 1999.

Kaiser, Karl, John Kirton et Joseph Daniels (éditeurs). Shaping a New International Financial System : Challenges of Governance in a Globalizing World, (Ashgate : Aldershot), 2000.

Kirton, John " Embedded Ecologism and Institutional Inequality : Linking Trade, Environment and Social Cohesion in the G8 ", p. 45 à 72 dans John Kirton et Virginia Maclaren (éditeurs), Linking Trade, Environment, and Social Cohesion : NAFTA Experiences, Global Challenges (Ashgate : Aldershot), 2002.

Kirton, John, Joseph Daniels et Andreas Freytag. " The G8's Contributions to Twenty-First Century Governance ", p. 283 à 306 dans John Kirton, Joseph Daniels et Andreas Freytag (éditeurs), Guiding Global Order : G8 Governance in the Twenty-First Century (Ashgate : Aldershot), 2001.

Roberts, J. M. The Penguin History of the World (Penguin Books : Londres), 1995.

Documents supplémentaires suggérés

Bayne, Nicholas, " The G8 and the Globalisation Challenge ". Préparé pour l'Academic Symposium G8 2000 sur " New Directions in Global Governance: G8's Okinawa Summit ", Okinawa, Japon, 19-20 juillet, 2000. http://www.g7.utoronto.ca/g7/scholar/bayne2000 (mai 2002).

Johnson, Pierre Marc, " Creating Sustainable Global Governance ", p. 245 à 282 de John KIRTON, Joseph Daniels et Andreas Freytag (éditeurs), Guiding Global Order: G8 Governance in the Twenty-First Century (Ashgate: Aldershot), 2001. Voir aussi " Beyond Trade: Broadening the Globalisation Governance Agenda ", version préliminaire préparé avec Karel MAYRAND http://www.g7.utoronto.ca/g7/scholar/johnson2000/index.html (mai 2002).

Johnson, Pierre Marc, " Strengthening Canada's Environmental Community Through International Regime Reform: Twenty-First Century Challenges " [vidéo], adresse principale à la EnviReform conférence, Toronto, 16-18 novembre 2001. http://www.envireform.utoronto.ca/envireform/conference/webcast.html#keynote (mai 2002).

Kirton, John, " International Constraints and Transnational Diffusion: The Dynamics of G8 Effectiveness in Linking Trade, Environment and Social Cohesion ". Préparé pour le " 2001 Berlin Conference on the Human Dimensions of Global Environmental Change on Global Environmental Change and the Nation State ", Berlin, 7-8 décembre, 2001. Version révisée, 31 janvier, 2002 http://www.g7.utoronto.ca/g7/scholar/kirton2002/011207.pdf (mai 2002).

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Biographie de l'instructeur

Questions à débattre

  1. La mondialisation d'aujourd'hui est-elle un phénomène ancien, un phénomène historique inévitable, un produit des nouvelles technologies ou le résultat d'un choix démocratique?

  2. Dans quelle mesure et de quelles façons la deuxième vague de mondialisation, qui a eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale, a-t-elle compensé les coûts, amélioré les avantages et modifié l'équilibre entre les coûts et les avantages de la première vague de mondialisation lancée par l'expansion impériale européenne?

  3. Quels pays et régions sont en meilleurs positions, et lesquels sont en mauvaises positions, pour profiter de la mondialisation?

  4. Quel est l'impact des attaques terroristes du 11 septembre 2001 sur le processus de la mondialisation?

Exercice

  1. Quelle était la profession de John Maynard Keynes?
    1. Politicien
    2. Marin
    3. Économiste
    4. Missionnaire

  2. En quelle année Christophe Colomb a-t-il découvert les Amériques?
    1. 1500
    2. 1492
    3. 1776
    4. 1812

  3. À quel sommet la mondialisation a-t-elle été l'élément central de l'attention du G7:
    1. Rambouillet en 1975
    2. Toronto en 1988
    3. Halifax en 1995
    4. Lyon en 1996

  4. La première vague de mondialisation était dirigée par:
    1. les centres impériaux
    2. la Société des Nations
    3. le régionalisme
    4. les organismes des Nations Unies

  5. Le Groupe d'experts sur l'accès aux nouvelles technologies a été créé lors du sommet de:
    1. Lyon en 1996
    2. Birmingham en 1988
    3. Okinawa en 2000
    4. Gênes en 2001

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