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Revised Tuesday, 16-Dec-2003 12:34:00 EST | English | Commentaires | Contactez-nous | Centre d'information sur le G8 |
7. Préparation, déroulement et réforme du sommet, Philippe Faucher
Lien à la video Bonjour, je suis Philippe Faucher, professeur au département de science politique de l'Université de Montréal. Au cours de cet exposé, nous examinerons comment le sommet du G8 annuel se prépare, comment il se déroule, comment les décisions prises sont mises à exécution et comment le processus du sommet pourrait être réformé de manière à donner de meilleurs résultats. Nous savons que le sommet, dans sa forme actuelle, a réussi à créer des engagements significatifs et à les faire respecter au sein des pays membres. Cependant, depuis la tenue du premier sommet en 1975, les propositions visant à réformer l'institution ont été nombreuses. Au fil des ans, les dirigeants du sommet ont eux-mêmes apporté quelques changements.
Parmi ces différentes formules, quels sont les avantages et les désavantages de chacune? À mon avis, la plupart des propositions de réforme minimaliste et maximaliste n'ont pas été adoptées et ne le seront probablement pas, car elles ne reflètent pas la nature fondamentale des rencontres du G8, qui se veulent une concertation démocratique dans un contexte d'interdépendance accrue. En effet, une bonne partie des modifications apportées, surtout celles de la dernière décennie, ont servi à renforcer la structure institutionnelle du G8 en tant qu'instrument de concertation démocratique, favorisant ainsi cette montée de la coopération et du respect des engagements que nous avons constatée. À l'avenir, des changements graduels seront apportés au déroulement du sommet afin de rendre l'exercice et sa préparation plus transparents et plus ouverts à la participation élargie de la société civile. A. MembresLe grand débat sur la réforme du sommet est centré autour de la participation des membres. Certains, partisans du modèle de concertation, défendent le statut quo, préférant limiter la participation aux cinq premiers états membres réunis à Rambouillet en 1975 (soit la France, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et le Japon), auxquels se sont joints par la suite le Canada et l'Italie en 1976 et, pour quelques dossiers, l'Union européenne en 1977 et la Russie en 1998. D'autres, partisans du modèle de leadership américain, lequel constate la prédominance des États-Unis, ont suggéré de réduire le nombre d'états membres en demandant à l'Union européenne de représenter les quatre principaux pays européens, ce qui permettrait de tenir des sommets du G3 ou du G2 qui excluraient le Canada, la Russie, les différents pays européens, et le Japon. D'autres encore, suivant plus ou moins une logique institutionnelle et souhaitant voir un G8 plus représentatif, légitime, puissant et efficace, réclament une expansion dans la participation. La Chine, un pays en plein essor, est le candidat le plus en vue, bien que l'Inde, le Brésil et d'autres pays à économie de marché émergente soient souvent mentionnés, alors que la Belgique, les Pays-Bas et l'Australie ont posé leur candidature ou ont été proposés comme membres. Enfin, les partisans du modèle de faux consensus, ont même proposé la participation des chefs des grandes sociétés multinationales du monde, affirmant que ces sociétés sont devenues plus puissantes que la plupart des pays, à l'ère où ce sont les forces du marché qui prévalent. La " préférence indiquée " par le G8 depuis ses 28 années d'existence, tout comme la logique derrière le concept de concertation démocratique, favorisent fortement le statu quo, même si quelques modifications mineures s'imposent. Au cours de son histoire, le G8 n'a jamais exclu ni expulsé des membres de grandes puissances, contrairement à la Société des Nations, créée en 1918 après la Première Guerre mondiale. Comme le démontre l'admission récente de la Russie, le système du G8 peut bel et bien prendre de l'expansion, contrairement au Conseil de sécurité des Nations Unies, qui accorde un droit de veto aux cinq membres permanents. En admettant la Russie, le G8, fidèle à son principe de concertation démocratique, a démontré qu'il accueillerait automatiquement toute grande puissance démocratique (même si elle possédait le statut d'ennemi jusqu'à tout récemment), dans la mesure où celle-ci adopte un régime démocratique durable. À titre d'exemple, le G8 tente de s'associer plus étroitement à la Chine (bien que son pedigree démocratique laisse à désirer), comme l'ont manifesté publiquement le chancelier de l'Allemagne Gerhard Schroeder et le premier ministre du Japon Keizo Obuchi, récents hôtes du sommet (ce rapprochement est décrit plus tard dans ce cours). Le deuxième pays susceptible de devenir membre, même si ce n'est que dans un avenir lointain, est l'Inde, qui a fait preuve d'un dévouement sans relâche à la démocratie depuis 55 années difficiles. B. Ordre du jourLes discussions sur l'ordre du jour du sommet donnent lieu à de nombreux débats. L'un d'entre eux porte sur l'étendue du programme du sommet et soulève la question suivante : le G8 devrait-il traiter d'un grand nombre de questions (comme à Okinawa, en 2000) ou devrait-il s'attarder à quelques thèmes centraux (par exemple, la criminalité, les emplois et les finances, comme au sommet de Birmingham de 1998, ou encore, l'Afrique, la croissance économique et le terrorisme, comme prévu pour le sommet de Kananaskis de 2002)? Un autre débat porte sur les objectifs attendus: le sommet doit-il se limiter à des questions susceptibles de faire apparaître un consensus entre les chefs, donnant ainsi un air faux d'efficacité à l'exercice, ou doit-il aborder les questions les plus difficiles, au risque de ne pas parvenir à une entente? La discussion touche également l'étendue géographique : le sommet doit-il examiner des questions touchant uniquement les pays membres du G8, ou devrait-il aborder plutôt des problèmes d'intérêt pour la collectivité internationale dans son ensemble? Une autre interrogation porte sur la souveraineté : le sommet doit-il se concentrer sur les relations entre pays souverains ou au contraire, intervenir dans les affaires intérieures des pays membres et non-membres? Enfin, une dernière controverse porte sur l'équilibre entre les questions économiques et les questions politiques : le sommet a-t-il essentiellement une vocation économique - comme cela était le cas à l'origine - ou doit-il traiter également ou exclusivement de questions politiques et de sécurité? Le critère de la concertation démocratique, qui représente le fondement de la légitimité des sommets, commande que l'ordre du jour veille à la sauvegarde et à la promotion de la démocratie, ainsi qu'à encourager, par la coopération, la stabilité des marchés et la croissance; qu'il soit ambitieux, établisse des liens entre les questions économiques, les questions politiques et celles de sécurité, et il qu'il se montre souple pour se plier facilement aux besoins de l'heure. Au début des années 70, la préoccupation avec la stagflation et la " crise de la gouvernance " a augmenté la préoccupation autour des questions d'ordre économique et énergétique. Après l'invasion soviétique de l'Afghanistan en 1979, l'ordre du jour a pris un virage résolument politique, et, suite à l'écroulement du communisme en 1989, s'est concentré sur la manière dont les pays riches pouvaient offrir de l'aide financière à l'ancienne Union soviétique (et favoriser sa participation au sommet) de façon à ouvrir la voie à une ouverture du marché (ce que plusieurs ont appelé une " deuxième révolution russe ") et à la mise en place de la démocratie. Au sommet de Kananaskis, le maintien de la croissance et la lutte contre le terrorisme seront traités de façon parallèle et constitueront les principaux thèmes à l'ordre du jour, alors que la réduction de la pauvreté en Afrique, peut-être le sujet le plus ambitieux à l'heure actuelle, exigera non seulement une plus grande aide économique internationale, mais aussi l'exercice local d'une autorité légitime, le renforcement des institutions et le respect des lois dans les pays africains. C. Fréquence, format et formalitéEn 1992, le premier ministre britannique John Major a proposé à ses collègues chefs d'État de réformer le sommet afin qu'il se tienne moins souvent (un sommet tous les 18 mois plutôt qu'une fois par an) et de le transformer en un événement beaucoup plus informel réservé aux chefs d'État. Il est facile de comprendre pourquoi un premier ministre britannique serait de cet avis. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies et du Conseil exécutif du Fonds monétaire international, et en tant que membre principal du Conseil européen et des sommets bisannuels du Commonwealth, la Grande-Bretagne était déjà dans une position privilégiée pour défendre ses intérêts politiques et économiques à l'échelle mondiale, même avec la tenue d'un sommet du G8 moins fréquent. Puisque les premiers ministres britanniques sont les seuls à diriger des gouvernements majoritaires capables de contrôler leurs assemblées législatives sans l'appui de coalition ou l'opposition de membres dissidents et qu'ils possèdent en général une vaste expérience ministérielle, ils tirent très facilement leur épingle du jeu lors de sommets brefs et informels dirigés par des chefs, où il n'est pas nécessaire d'inviter des ministres, d'effectuer des préparatifs élaborés ou de rédiger des communiqués de consensus longtemps à l'avance. Comme il fallait s'y attendre, c'est le premier ministre britannique Tony Blair qui, au sommet de Birmingham de 1998, a exclu les ministères des finances et des affaires étrangères, lesquels avaient participé à tous les sommets depuis le début, et qui a proposé une rencontre une sous forme de retraite des chefs, comme cela se déroule depuis longtemps dans le cadre de la Réunion des chefs du gouvernement des pays du Commonwealth. De même, le premier ministre du Canada, Jean Chrétien, qui jouit également d'un gouvernement majoritaire depuis son ascension au pouvoir en 1993, a tenté en vain de limiter la participation aux chefs d'État lors du sommet de Halifax en 1995. À l'occasion du sommet de Kananaskis de 2002, pour éviter l'agitation de Gênes, il prévoit organiser le sommet le plus bref (d'une durée de 30 heures s'étalant sur deux jours), le plus isolé et le plus informel (tenu dans une retraite en montagne) de toute l'histoire, où la présence des représentants et des journalistes sera également à son plus faible (chaque délégation nationale comptera au maximum 30 personnes, et seule une centaine de journalistes sera autorisée à se rendre à Kananaskis chaque jour). De plus, le premier ministre Chrétien tente d'abolir le communiqué traditionnel des chefs, une autre première dans l'histoire du sommet (Kirton 2001). Les tentatives fructueuses des gouvernements canadien et britannique visant à réformer le déroulement du sommet sont la preuve vivante que même les membres moins influents peuvent façonner l'institution du sommet, comme le suggère le modèle de concertation. Ces réformes, visant à simplifier tout en cherchant à accroître l'efficacité des rencontres, offrent aux membres moins influents un avantage institutionnel qui compense leur manque de moyens. Ces changements expliquent pourquoi le sommet a obtenu de meilleurs résultats en matière de coopération et de respect des engagements depuis 1998. Néanmoins, la simplicité n'est pas en soi un gage d'efficacité. Le sommet de 1998 a également introduit une autre réforme importante, lorsque la Russie a été admise comme membre titulaire permanent du G8. L'ajout de la Russie démocratique a permis au G8 de renforcer l'influence déterminante exercée par ses membres pendant le sommet comme en dehors et de réaliser des objectifs communs en matière de promotion de la démocratie. La participation encore restreinte du G8 permet d'en faire un forum efficace de gouvernance mondiale, dont l'ordre du jour peut facilement s'adapter de manière à relever les défis mondiaux de l'heure. Par conséquent, les contributions issues des formules minimaliste et maximaliste confirment que le succès du sommet repose d'abord et avant tout sur le soutien apporté à l'exercice de la concertation démocratique auquel se soumettent les grandes puissances. Note: Ce conférence a été préparé en collaboration avec John Kirton. RéférencesHODGES, Michael, " The G8 and the New Political Economy ", p. 69-74 dans Michael HODGES, John KIRTON et Joseph DANIELS, The G8's Role in the New Millennium, Ashgate, Aldershot, 1999. IKENBERRY, John, " Salvaging the G-7 ", Foreign Affairs vol. 72, printemps 1993, p. 132-139. KIRTON, John, " The G7/8 and China: Toward a Closer Association ", p. 189-222 dans John KIRTON, Joseph DANIELS et Andreas Freytag, Guiding Global Order: G8 Governance in the Twenty-First Century, Ashgate, Aldershot, 2001. ODOM, William, " How to Create a True World Order ", Orbis, vol. 39, printemps 1995, p. 155-172. Documents supplémentaires suggérésGUTTRY, Andrea de, " The Institutional Configuration of the G-7 in the New International Scenario ", dans " The Future of the G-7 Summits " [édition spéciale], International Spectator, vol. 29, no. 2, 1994, p. 67-80. HODGES, Michael, " More Efficiency, Less Dignity: British Perspectives on the Future Role and Working of the G-7 ", dans " The Future of the G-7 Summits " [édition spéciale], International Spectator, vol. 29, no. 2, 1994, p. 141-159. KIRTON, John, " Guess Who Is Coming to Kananaskis ", International Journal, vol. 57, no. 1, 2002 www.g8.utoronto.ca/g7/scholar/kirton2002/020507.pdf (mai 2002). KIRTON, John, " Exercising Concerted Leadership: Canada's Approach to Summit Reform ", dans " The Future of the G-7 Summits " [édition spéciale], International Spectator, vol. 29, no. 2, 1994, p. 161-176. KIRTON, John et Ella KOKOTSIS, " Revitalizing the G-7: Prospects for the 1998 Birmingham Summit of the Eight ", International Journal, vol. 53, no. 1, 1997. MERLINI, Cesare, " The G-7 and the Need for Reform ", dans " The Future of the G-7 Summits " [édition spéciale], International Spectator, vol. 29, no. 2, 1994, p. 5-25. Go to: Lien à la video | Lien à l'audio | Version PDF | Références | Documents supplémentaires suggérés | Questions à débattre / Exercise Biographie de l'instructeur Questions à débattre
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